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La langue : quelle place dans les relations internationales ?

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En octobre 2012, l’entrée du Qatar comme membre associé de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) a fait grand bruit. D’une part ce dernier a brûlé les étapes d’accession en ne passant pas par la case d’Etat observateur, et d’autre part le manque de pertinence de sa candidature a été vivement critiqué. Si l’accès à l’OIF n’oblige pas d’avoir le français comme langue officielle mais favorise sa promotion, le Qatar semble, notamment par son action au sein des pays africains faire le contraire en finançant par exemple des écoles religieuses au détriment d’écoles d’enseignement en langue française. Cette polémique a mis en exergue l’importance de la langue comme outil de puissance dans les relations internationales.

Facteur essentiel de communication préexistant parfois la définition des frontières étatiques, comme l’illustrent les différentes aires linguistiques, la langue revêt ainsi plusieurs enjeux. Elle est souvent liée à un contexte culturel spécifique et un cadre de pensée particulier définissant une certaine vision et approche du monde. Elle constitue en ce sens un enjeu de puissance « douce », le fameux soft power de J. Nye. Pour exemple, l’utilisation du français dans les différentes cours européennes au 18ème siècle a été permis par la normalisation et la défense de la langue qui a été faite par l’Académie française dès 1635. Cela fait qu’encore aujourd’hui le français est une langue officielle commune à de nombreuses organisations internationales.

La langue, source de recomposition d’alliances et de nouvelles logiques transnationales

Conscients de l’importance de la langue tant dans les négociations politiques que dans ses aspects économiques, les Etats tentent depuis plusieurs années de renforcer leurs liens en se fondant sur cette dernière. Ainsi des organismes tels que l’OIF, la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), l’Union latine, l’Union des pays de langue néerlandaise ou encore le Conseil turcique ont vu le jour. Dans une plus large mesure, le Commonwealth of Nations peut être inclus dans cette catégorie même si sa vocation est plus large. La création de ces aires linguistiques pluricontinentales semble servir au maintien d’une relation post-coloniale dans une logique d’influence. C’est aussi un facteur de puissance que les pays émergents ont bien évalué. En ce sens, comme l’illustre la carte, la Chine développe la pratique de la langue chinoise (mandarin) grâce à ses instituts Confucius créés en 2005. Leur implantation croissante permet de diffuser la langue et la culture du pays facilitant ainsi l’arrivée d’entreprises chinoises ou renforçant leurs positions le cas échéant. Néanmoins, il est possible de développer son soft power sans créer d’organisme international  à l’instar des Etats Unis, non-membres du Commonwealth. Ce dernier le développe autrement sans avoir besoin de telles structures, même si cela est permis par l’usage universel de la langue anglaise.

Ainsi, les organisations linguistiques internationales permettent le développement d’une vision commune des intérêts politiques et économiques internationaux. Le lancement récent de la « francophonie économique » permet ainsi de transformer ce soft power en élément de hard power. L’objectif est ainsi de développer les relations économiques en s’appuyant sur la proximité culturelle. Les mouvements migratoires récents de portugais vers l’Angola illustrent de même l’impact de la langue dans les dynamiques géoéconomiques.

Enfin, la création d’aires linguistiques pluricontinentales institutionnalisées peut engendrer de nouveaux types de tensions. Lors du coup d’Etat en Guinée Bissau de 2012 , la gestion de la crise à l’échelle régionale a pâti des affrontements entre les pays de la CPLP et de la Francophonie voisins sur les modalités de transition. L’instrumentalisation de la crise bissau-guinéenne a ainsi permis à l’Angola de se positionner comme une puissance régionale- voire continentale, tout en mettant en avant les risques d’ingérence que ces aires linguistiques peuvent susciter.   Dans le même sens, la reconstruction de Haïti a été, notamment dans le domaine éducatif, le théâtre d’affrontements : alors que les Etats Unis à la tête de la Commission Intérimaire pour la Reconstruction de Haïti favorisaient un passage à un système éducatif anglophone, la France et certains pays européens ont eux œuvré afin de maintenir le système francophone. Le Rwanda a de même été un symbole de tensions entre anglophonie et francophonie avec  le choix en 1994 de l’anglais comme seconde langue officielle et l’intégration du Commonwealth, témoignant d’une réorientation de la politique étrangère et économique du pays.

Ces tensions soulèvent notamment des questions quant à ce qui doit primer entre la proximité culturelle et la géographie au regard des intérêts économiques réels et tangibles. Ces « conflits linguistiques », souvent cristallisés sur de petits pays , paraissent être le reflet d’enjeux d’apparence idéologiques, mais économiques et politiques dans les faits.  Ainsi, la langue constitue une clé de lecture utile et originale du rapport de force entre les Etats.

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