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Epistémologie, ontologie et méthodologie des Relations Internationales

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Avant de s’interroger sur les implications de ce qu’ils souhaitent analyser, les chercheurs en Relations Internationales, tout comme leurs confrères en sciences sociales, s’intéressent dans un premier temps à une multitude de questions d’ordre pratique, dont l’objectif est de donner une cohérence à leur réflexion et d’offrir la pertinence scientifique suffisante pour légitimer les conclusions qu’ils en auront tiré. L’épistémologie, l’ontologie et la méthodologie font ainsi parties des matières préalables à la compréhension des Relations Internationales, et plus précisément des différentes théories1.

L'épistémologie, l'ontologie et la méthodologie sont un préalable à l'étude des Relations Internationales.
L’épistémologie, l’ontologie et la méthodologie sont un préalable à l’étude des Relations Internationales.
Epistémologie

Le terme « épistémologie » est généralement attribué au métaphysicien écossais James Frederick Ferrier (1808-1864), qui l’aurait utilisé pour décrire sa « théorie de la connaissance ». Du point de vue étymologique, celui-ci se compose des termes grecs épistémè et logos qui se traduisent respectivement par « connaissance, savoir » et « discours, langage ». En plus, de cette première acception, qui fait de l’épistémologie l’étude du savoir humain au sens général (sens anglo-saxon), le terme est également employé aujourd’hui pour désigner ce que l’on pourrait nommer la « théorie du savoir scientifique », qui vise à établir les règles de la connaissance scientifique (sens français).

L’épistémologie, telle qu’elle est pratiquée en Relations Internationales, c’est à dire dans son premier sens (la discipline est en effet dominée par des chercheurs anglo-saxons), vise donc à rechercher les réponses à certaines interrogations ayant pour but d’apprécier la véracité des informations émises par les internationalistes, telles que :

  • Qu’est-ce que la connaissance ?
  • Comment produit-on les connaissances et sur quoi se fondent-elles ?
  • Peut-on acquérir une connaissance capable d’expliciter la réalité des faits ? Comment vérifier que cette réalité ou « vérité » existe bien ?

Ainsi, en Relations Internationales, on distingue habituellement trois traditions épistémologiques. En premier lieu, l’empirisme, qui affirme que la connaissance est essentiellement fondée par l’expérience et l’examen des faits. Celui-ci repose notamment sur l’induction, c’est à dire sur l’observation d’un cas singulier qui permettra ensuite de dégager des règles d’ordre général. C’est ce courant qui domina le débat épistémologique en Relations Internationales jusque dans les années 1990. En second lieu, le rationalisme qui prétend que la connaissance se situe dans la logique, et comme son nom l’indique, dans un raisonnement rationnel. Cette tradition s’appuie sur l’usage de la déduction, c’est à dire, à l’inverse de l’induction, sur l’application d’une réflexion générale à un cas particulier. Et enfin, le pragmatisme qui lui, affirme que la vérité est nécessairement conditionnée au contexte dans lequel elle s’insère et qu’elle est le fruit d’un consensus partagé à un instant donné. Dans cette perspective, la connaissance n’est pas figée et ne peut donc se prévaloir d’une vérité absolue, applicable en tout temps et en tout lieu.

Ontologie

Etymologiquement parlant, l’ontologie se définit comme étant la théorie de l’être, ou plutôt la théorie de l’être en tant qu’être. En s’interrogeant sur l’existence et la nature de ce qui est visible ou peut être perçu, l’ontologie participe à l’orientation théorique de la réflexion, considérant que tel ou tel objet est à retenir dans la compréhension d’un phénomène, et que tel ou tel autre est à écarter. Elle s’intéresse en fait à l’objet d’étude du champ disciplinaire dans lequel elle s’introduit et permet de définir les concepts qui s’y rattachent.

En Relations Internationales, les questions ontologiques portent ainsi sur des éléments essentiels à la base de toute théorie et participe dès lors à la conception que celle-ci aura du monde qu’elle étudie :

  • Qui sont les acteurs du système international et comment interagissent-ils les uns les autres ?
  • Qu’est-ce que le système international et quelles sont ses propriétés ?
  • Quelles sont les caractéristiques propres aux acteurs de ce système ?

La conception réaliste en Relations Internationales reconnaît par exemple la primauté de certains concepts dans son analyse, tels que les Etats, l’anarchie, la puissance. A l’inverse, pour l’ontologie libérale, d’autres éléments vont être au cœur de la réflexion, comme le droit, les organisations internationales, la coopération. Dans une autre perspective, la théorie constructiviste estime que ce ne sont pas les données matérielles, mais plutôt les valeurs, les normes, la culture des acteurs, qui importent pour expliquer les phénomènes internationaux. Ainsi, chaque théorie dispose de sa propre ontologie, bien qu’il existe un consensus au sein de plusieurs courants pour le partage de certains matériaux d’analyse.

Méthodologie

La méthodologie est littéralement la matière qui cherche à expliquer la méthode, c’est à dire l’ensemble des outils et techniques permettant de dégager et analyser les informations disponibles sur un cas étudié. En Relations Internationales, il est courant de distinguer trois types de méthodologies, également utilisées dans la plupart des sciences sociales.

Tout d’abord, la méthode « qualitative », qui est celle qui regroupe le plus d’outils et est utilisée par la plupart des chercheurs en Relations Internationales. Celle-ci peut être chiffrable ou interprétative. Dans cette première déclinaison, il s’agira d’utiliser des techniques telles que l’étude de cas, l’analyse de contenu, le profilage de personnalités politiques, etc. Dans la seconde, les chercheurs seront plus portés vers des études comparatives, des analyses historiques, des recherches documentaires, de l’analyse de discours, etc.

Ensuite, il existe la méthode dite « formelle » qui vise à simplifier la réalité d’un phénomène à travers la construction d’un modèle mathématique, afin d’en extraire des effets de causalité. Parmi les principaux outils associés à cette méthode, il est possible de citer la théorie du choix rationnel (les acteurs agissent de manière rationnelle) ou la théorie des jeux, qui en attribuant des traits caractéristiques et des préférences aux acteurs, permet de dégager différents scénarios et de comparer l’ensemble des résultats obtenus. Bien que cette méthode soit de nature rationaliste, elle est également utilisée par les partisans de l’empirisme.

Enfin, la méthode « quantitative » qui a pour objectif, grâce à l’utilisation de données chiffrées, de confronter différents phénomènes ou évènements afin d’en expliquer l’existence et d’en décrire les caractéristiques. L’inférence statistique est la technique d’analyse par excellence de la méthode quantitative, principalement choisie par les chercheurs empiristes.

Conclusion

Ainsi, préalablement à l’étude des Relations Internationales et de ses différentes théories, il est essentiel de comprendre ce que sont l’épistémologie, l’ontologie et la méthodologie, qui ont une incidence profonde sur les différents théoriciens et chercheurs de la discipline. Ces trois matières sont en effet intimement liées, les choix épistémologiques menant eux-mêmes à des choix ontologiques particuliers et ensuite à l’utilisation d’une ou plusieurs méthodologies déterminées. Il est donc important de ne pas oublier que l’analyse qui résultera de ces choix sera nécessairement orientée dans un cadre théorique précis, qui tout en permettant d’expliquer certains phénomènes, ne pourra prétendre à l’exhaustivité.


1 Cet article s’inspire de l’ouvrage dirigé par Alex MACLEOD et Dan O’MEARA, Théories des relations internationales : contestations et résistances, Québec, Editions Athéna, 2010, 660 p.

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