Qu’est-ce que la Cour Pénale Internationale ?
Créée par la Convention de Rome du 17 juillet 1998, la Cour Pénale Internationale (CPI) est une juridiction internationale chargée de connaitre, « les crimes les plus graves commis contre le droit humanitaire international » lorsque les auteurs des crimes ne peuvent être jugés au sein de leur pays. Juridiction indépendante dotée d’un budget de 121 million d’euros, la CPI est rattaché à l’ONU par un accord de coopération. Elle est composée de quatre organes : la Présidence, les Chambres (préliminaire, de première instance et d’appel), le Bureau du Procureur et le Greffe. L’actuel Procureur est la Gambienne Fatou Bensouda.
Parfois conçue comme un tribunal international, la CPI a en fait un mandat limité : elle ne peut connaître que les crimes contre l’humanité, les crimes de génocides et les crimes de guerre et d’agression. Sa compétence est par ailleurs limitée aux crimes commis sur le territoire d’Etats ayant signé la Convention de Rome ou par un de ses ressortissants. Autre élément important, la compétence de la Cour est complémentaire, elle ne peut donc s’exercer qu’en cas de défaillance de l’Etat initialement compétent.
L’entrée en vigueur de la Convention de Rome requérant la ratification d’au moins 60 Etats, l’action de la CPI n’a pu débuter qu’à partir de 2002. La création d’une Cour permanente constitue une avancée en matière de justice internationale : des enquêtes et des poursuites pour les crimes précités peuvent désormais être menées lorsque les autorités nationales ne peuvent ou ne désirent pas le faire. La Cour a ainsi vocation à inciter les Etats à assumer leurs responsabilités et leurs obligations en matière de poursuite judiciaires et pénales. Les ONG peuvent également participer à son action en coopérant lors des phases d’enquêtes et de poursuites. La Cour a rendu en 2012 son premier jugement en déclarant Thomas Lubanga coupable de crimes de guerre commis en 2002 en République démocratique du Congo.
Une justice pas tout à fait mondiale…
Si à ce jour 122 Etats ont ratifié le Statut de la Cour, la Russie, la Chine ou encore l’Inde ne l’ont pas ratifié tandis que les Etats Unis ont signé mais pas ratifié le Statut. Ils ont exercé, et continueraient, par ailleurs d’exercer des pressions sur les pays envisageant de ratifier le Statut notamment par des réductions d’aides économiques ou d’avantages douaniers. L’enjeu pour les Etats Unis est de conserver sa souveraineté et par là sa puissance en rejetant cette forme de justice internationale. Si pour certains Etat l’adhésion à la Cour constituerait une faiblesse, elle revêt pour d’autres un enjeu diplomatique et géopolitique. Ainsi, l’adhésion prochaine de la Palestine qui sera effective en avril 2015 permettra au pays d’aller plus loin dans sa stratégie de reconnaissance internationale ainsi que dans son rapport de force avec son voisin.
Autre limite à cet embryon de justice internationale la défiance accrue qu’expriment certains Etats partis. En mai 2013 le président de l’Union africaine a accusé la CPI de mener une « chasse raciale » contre les ressortissants africains, en réponse aux poursuites menées contre le président Kenyatta et son vice-président William Ruto pour crimes contre l’humanité concernant les violences postélectorales de 2007 au Kenya. De plus, l’ensemble des enquêtes ouvertes à ce jour concernent des pays du continent africain (Ouganda, République démocratique du Congo, Soudan, République centrafricaine, Côte d’Ivoire, Kenya, Libye et Mali). Malgré la surreprésentation du continent au sein de la Cour avec 43 pays l’ayant signé et 34 ratifié, la résolution adoptée par l’UA demandant la suspension des poursuites n’a pas de force contraignante de la CPI. En effet, seule le Conseil de Sécurité peut réclamer une suspension des procédures.
Enfin, la construction d’une justice internationale est souvent perçue comme une justice des vainqueurs ou des puissants. La compétence exceptionnelle donnée par le CSNU à la CPI afin de poursuivre un Etat n’ayant pas ratifié la Convention mais ayant commis des violations graves (cas du Darfour en 2005) a pu être interprétée en ce sens. Il parait ainsi difficile à ce jour de parler d’une justice pénale internationale en ce qu’elle reste tributaire du bon vouloir des Etats.