Qu’est ce que le Programme Alimentaire Mondial ?
En février 2015, des images présentant le détournement par l’Etat islamique de denrées alimentaires fournies par le Programme Alimentaire Mondial (PAM) ont mis en avant le caractère stratégique des activités de cette organisation. Si la sécurité alimentaire est un objectif de développement de long terme, sa gestion lors des situations de crises – qu’elles soient d’ordre naturel ou politique – s’avère cruciale. La création du Programme Alimentaire Mondial en 1961 répond ainsi à ce double objectif de gestion d’urgence et reconstruction sur le long terme des systèmes d’alimentation et de subsitance. Organisme subsidiaire de l’Assemblée Générale des Nations Unies, le PAM est financé par des contributions volontaires et son budget s’élève en 2014 à 5,3 milliards de dollars. Son siège se trouve à Rome et il est dirigé par l’américaine Ertharin Cousin depuis 2012. L’organisation intervient dans plus de 70 pays et contribue à nourrir plus de 90 millions de personnes par an. Elle s’inscrit dans la logique plus globale de lutte contre la faim afin de favoriser la sécurité alimentaire des Nations Unies, et cette organisation travaille en ce sens de façon étroite avec l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) ainsi qu’avec le Fonds International de Développement Agricole (IFAD), également basés à Rome. Le PAM se distingue de ces structures par ses actions de terrain et ses objectifs essentiellement liés à la gestion de crise. L’organisation tente ainsi par son action de préserver les modes de subsistance dans les contextes d’urgence, mais également à prévenir la faim et la malnutrition dans les situations de transition post-conflit et post-catastrophe. Elle développe ainsi des programmes de long terme afin de favoriser les mécanismes de préparation et de défense contre les catastrophes pour les populations vulnérables. Son action consiste ainsi lors d’une crise à répondre aux appels d’aide alimentaire d’urgence, à évaluer la situation puis à acheminer des rations alimentaires, mais également des fournitures médicales et de premiers secours. A moyen terme le PAM met en place un plan d’action en partenariat avec l’Etat et la société civile afin d’assurer des corridors humanitaires efficaces et sollicite des appels aux dons en partenariat avec le Bureau des affaires humanitaires de l’ONU. L’action du PAM est ainsi une action de terrain mêlant gestion logistique de l’urgence et vision stratégique de moyen et long terme.
Un organisme démuni face à la multiplication des crises ?
En septembre 2015, le PAM a été contraint de cesser son aide à 230 000 réfugiés syriens en Jordanie du fait d’un manque de moyens. La multiplication des crises politiques s’ajoutant aux crises structurelles ou de plus longue date (corne de l’Afrique par exemple), exerce une pression importante sur les activités du PAM. Le contexte international dans lequel agit le PAM a également évolué depuis sa création. Les conséquences du changement climatique mais également de la spéculation concernant les denrées alimentaires à l’origine de nombreuses émeutes de la faim ainsi que l’accaparement des terres ou encore la diversification de ses usages (biocarburants par exemple) tend à complexifier son action en rendant sa sollicitation plus fréquente.
L’aide apportée par le PAM est également remise en question en ce qu’elle est parfois perçue comme un frein au développement du fait de la corruption et des trafics engendrés par le don de denrées alimentaires. Ainsi des responsables locaux tireraient partie de ces denrées en les détournant afin de les utiliser comme des moyens de contrôles des populations, en conditionnant par exemple ces aides à des votes. Cela s’observe notamment dans les Etats où les structures étatiques sont faibles et où la gouvernance n’est pas consolidée. S’il est réel que des cas de détournement ont pu être observées (Somalie, Burundi), l’action du PAM demeure néanmoins essentiel au regard de la permanence de l’insécurité alimentaire. Il s’agit ainsi pour la plus grande agence humanitaire luttant contre la faim de trouver de nouveaux moyens de garantir d’une part l’acheminement effectif des denrées alimentaires, et d’autre part de favoriser un développement endogène et une résilience au sein des populations touchées par la faim afin de maintenir son rôle de structure de gestion de crise, et non de se substituer aux politiques nationales de développement et de sécurité alimentaire.