Tokénisme et genre en politique
Le tokénisme est partout. En 2020, l’acteur John Boyega dénonce le racisme du cinéma américain. L’acteur de la franchise Stars Wars pointe ainsi du doigt la discrimination des personnages racisées. Relégués derrière des personnages blancs, les personnages racisés s’éloignent ainsi de l’intrigue. Si bien que les personnages racisés ne deviennent qu’une vitrine d’une diversité trompeuse. Cette pratique a un nom : le tokénisme. Et elle ne concerne pas qu’Hollywood. En politique, notamment avec la question du genre, le tokénisme existe également.
Qu’est-ce que le tokénisme ?
Enrichi en 1977 par la sociologue et chercheuse américaine Rosabeth Moss Kanter, le concept de tokénisme désigne tout d’abord une pratique de sélection d’un nombre limité de femmes dans des positions de pouvoir. Cette représentation tient surtout à donner l’apparence de la diversité sans réellement remettre en question les structures de pouvoir et les inégalités existantes. Si les recherches de Kanter tiennent à expliquer les dynamiques de genre au sein des entreprises composées d’une minorité de femmes travaillant dans des environnements à prédominance masculine, le tokénisme ne constitue plus une notion propre au genre et au marché du travail.
Désormais, la notion de tokénisme s’applique à la réalité de plusieurs secteurs. Le concept de tokénisme décrit une situation où la sélection d’un individu dépend de ses caractéristiques personnelles. Ces caractéristiques peuvent être le genre ou encore l’appartenance ethnique et/ou religieuse. L’embauchement ne dépend ainsi pas des compétences ou des connaissances liées au poste. Au contraire, cette présence tient à apporter une façade d’équité en faveur du groupe social que cette personne représente. Le tokénisme renvoie à l’intégration des minorités afin que la société concernée puisse s’affirmer comme inclusive. Le plus souvent, cette pratique tend à constituer un cache-misère d’une réalité plus hostile à l’intégration des minorités.
Tokénisme et politique : la question du genre
La politique et le tokénisme ne sont pas non plus incompatibles. En politique, le tokénisme renvoie aux individus issus de groupes minoritaires qui sont sélectionnés de manière symbolique dans des positions politiques ou des rôles de leadership, sans que leur présence ne soit accompagnée d’un réel engagement en faveur de l’autonomisation de ces groupes.
Dans le cas de la question du genre, le tokénisme mêle étroitement genre et représentation politique. Dans de nombreuses sociétés, comme celle de la société française, les femmes ont été historiquement exclues du champ politique en leur reléguant d’autres tâches et responsabilités associées au féminin. Cette exclusion participe à une sous-représentation des femmes dans la plupart des sphères politiques. En politique, le féminin est ainsi symbolique. Avec un genre qui s’instrumentalise, la sélection de certaines politiciennes à des postes importants peut constituer une stratégie à promouvoir le féminin. Néanmoins, en réalité, leur sélection ne conduit pas à des changements significatifs dans la composition politique et/ou dans les politiques mises en place.
Un exemple-type de tokénisme : les élections japonaises de 2009
Au Japon, les élections législatives de 2009 comprennent un parfait exemple du tokénisme en politique. Pour la politique japonaise, les élections de 2009 constituent des élections particulières. Pour la première fois depuis cinquante-quatre ans, le Parti Libéral Démocrate (PLD) n’est pas majoritaire. La victoire du Parti démocrate du Japon (PDJ), parti principal de l’opposition de l’époque, tient notamment d’une stratégie à former des nouvelles politiciennes, promouvant ainsi une nouvelle image du parti. En effet, la victoire du parti comprend une meilleure représentation des femmes au sein de la Chambre basse. Selon les archives de l’Union interparlementaire datant de 2009, le nombre de femmes à la Chambre basse arrive à un record encore jamais dépassé : 11.3%. Si la présence de ces nouvelles politiciennes marque une évolution dans la politique japonaise, il ne faudrait pas comprendre celle-ci comme une révolution pour la cause de l’égalité entre les sexes.
Ichirô Ozawa, président du PDJ, joue un rôle clé lors de ces élections. Introduire 164 nouveaux candidats, étrangers au monde politique, constitue la stratégie de campagne du parti. Parmi ces candidats, 32 sontdes femmes. À l’issue des élections, 26 des 32 candidates remportent un siège. Les médias japonais surnomment ces nouvelles parlementaires les « Ozawa Girls ». Ainsi réduites au nom du politicien masculin, ces femmes ne sont pas perçues en tant que personnalité politique indépendante et individuelle. De fait, les « Ozawa Girls » sont mentionnées dans les médias non pas par leurs idées politiques, mais par leur physique. Elles constituent ainsi le parfait exemple de « tokens ». La considération de ces femmes ne sont pas celle de politiciennes propres, mais d’une représentation symbolique de toutes les femmes.