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Décolonisations asiatiques : peu de négociations de paix, mais des guerres éclairs

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Avec l’Afrique, l’Asie est le deuxième grand espace mondial à défendre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à se séparer de la tutelle du Royaume-Uni, de la France et des Pays-Bas, principales puissances colonisatrices.

Soekarno, héros de la décolonisation indonésienne
Soekarno, héros de la décolonisation indonésienne

Certes, l’Asie est probablement le berceau du tiers-mondisme, à travers certaines personnalités (Nehru, Gandhi, Soekarno) et grandes villes, symboles de ce mouvement (Bandung, Jakarta). Néanmoins, c’est dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale près d’une décennie avant l’émergence du tiers-mondisme, que le plus grand espace colonisé du continent s’émancipe de la tutelle britannique : l’Empire des Indes. En réalité, le souhait d’émancipation remonte aux années 1930, ou deux forces locales, le Parti du Congrès, de Gandhi et Nehru, et la Ligue Musulmane, souhaitent un retrait des Britanniques. Un temps accordé, la guerre rend cet accord caduc, Churchill requérant les Indes pour l’effort de guerre. Ces deux forces politiques élargissent leurs requêtes et plaident au sortir de la guerre pour deux Etats indépendants, l’un majoritairement hindou, l’autre musulman. Seules les frontières de ces deux Etats restent à définir, et elles le seront par le sang. De nombreux heurts éclatent en 1946-47, avant que le vice-roi des Indes, l’émissaire britannique Lord Mountbatten, ne décide d’une solution à « deux Etats et demi » : il y aura l’Inde et deux Pakistan. Ce choix basé sur la géographie et non sur l’implantation des peuples pousse plusieurs millions de personnes à l’exil, uniquement en raison de leur religion. Mais le principal est acquis : l’Inde et le Pakistan deviennent indépendants en 1947.

Dans l’Asie française, les mêmes discours indépendantistes sont tenus dès 1945. Le leader vietnamien Ho Chi Minh déclare l’indépendance unilatérale de son pays, reconnue à demi-mot par la France en 1946. Néanmoins, le jeune dirigeant français, un certain De Gaulle, souhaite ne pas complètement abandonner plusieurs décennies de présence française : c’est la création de la République autonome de Cochinchine, gérée indirectement par la France. Cette République, jamais reconnue par Hô Chi Minh, tend les relations entre le Vietnam et la France, générant une guerre d’indépendance de sept ans dès fin 1946. Il s’agit de l’un des premiers conflits indirects de la Guerre Froide, le Vietnam étant soutenu par l’URSS. L’âpreté des combats et la connaissance fine du territoire ont raison des espoirs français qui abandonnent définitivement leur présence en Asie lors des Accords de Genève de 1954. Le Vietnam est alors partagé en deux, prémice de futures guerres.

Enfin, la troisième puissance coloniale du continent, certes moins répandue, les Pays-Bas, cèdent également à l’influence du dirigeant indonésien Soekarno. Comme la France, ils se livrent à des combats contre les indépendantistes locaux et paraissent pouvoir l’emporter. Néanmoins, pour donner des gages au tiers-mondisme naissant, les puissances occidentales telles que la Grande-Bretagne et les Etats-Unis pressent les Pays-Bas d’abandonner l’Indonésie, ce que le petit royaume ne peut refuser, en 1948. Ainsi, avec l’indépendance pacifique obtenue par les Philippines vis-à-vis des Etats-Unis dès 1946, l’Asie s’est émancipée en moins de dix ans de décennies de domination occidentale. Le continent est désormais prêt à s’engager dans une autre lutte : celle du développement.

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