Tiers-Monde et émergents

Le miracle ivoirien et ses conséquences sur la situations actuelle du pays

Shares

La Côte d’Ivoire connut à son indépendance une période de forte croissance économique et de stabilité politique que la postérité a retenue comme un « miracle » ivoirien. Cette croissance tirait son origine de plusieurs spécificités de la société ivoirienne, notamment des cultures de rentes créées sous le pouvoir colonial français (Cacao, café). Toutefois, la stabilité politique cachait la gouvernance sans partage d’Houphouët-Boigny et la croissance économique, une montée des prix des matières premières.

La Côte d'Ivoire est le premier producteur de cacao au monde avec 35% de parts de marché
La Côte d’Ivoire est le premier producteur de cacao au monde avec 35% de parts de marché

En 1960, la Côte d’Ivoire devient indépendante politiquement. Pour développer son économie, elle se libéralise donc et fait appel aux investisseurs étrangers. Le pays bénéficie d’un climat propice à des cultures de rentes ainsi qu’à des cultures vivrières. Le pays étant très faiblement peuplé en 1960 (2 millions d’habitants contre 24 millions aujourd’hui), le gouvernement va faire appel massivement à l’immigration ce qui aura un impact notable sur le futur du pays. Le gouvernement va être très actif, à travers divers organismes pour promouvoir certaines cultures notamment d’exportations. Des caisses de dépôts vont permettre aux exploitants agricoles d’obtenir un revenu stable. Toutefois ces caisses qui brasseront des sommes d’argents très importantes serviront également à entretenir un système de  corruption à grande échelle. À cette époque, une industrie a même commencé à voir le jour dans la transformation des matières premières locales comme le cacao, le café et l’huile de palme. Mais ces points positifs cachent un système relativement peu productif et dépendant des prix internationaux des matières premières.

Le cacao sera la culture qui va permettre à la Côte d’Ivoire de se développer dans les années 1960-1970

La culture du cacao, très soutenue par l’administration, va causer la déforestation de 10 millions d’hectares de forêts sur un massif total de 12 millions sur toute la partie ouest du pays. Outre le désastre écologique, un nouveau problème va émerger à la suite de la déforestation : le droit foncier. En effet, les populations exploitantes sont la plupart du temps des populations immigrées. Une majeure partie venant de la Haute-Volta (aujourd’hui Burkina Faso). Du fait de l’absence de cadastre ou de sécurité foncière, ce sont donc des accords coutumiers qui leur ont permis d’exploiter la terre. Les exploitants devaient en échange une dette d’honneur au chef coutumier (des animaux, des sacs de riz, etc. dans les grandes occasions).

Une croissance qui ne sera pas suivie d’une véritable industrialisation

À la fin des années 1970, le prix international du cacao s’effondre et tout le modèle avec lui. Depuis l’indépendance, le pays n’a pas su développer un industrie autre que l’agroalimentaire. Lorsque les prix chutent, le pays se retrouve donc sans aucun relais de croissance et ce sont tous les acteurs de la chaîne qui perdent leur rente et qui fragilisent le système. À la fin des années 1990, la tonne de cacao va perdre plus de la moitié de sa valeur coïncidant alors avec des troubles politiques qui se finiront par l’arrestation de Laurent Gbagbo en 2011. Les troubles avaient commencé à la mort d’Houphouët-Boigny en 1993. Pour écarter Alassane Ouattara  qui avait prétendument des origines burkinabaises des élections présidentielles de 1995, le concept « d’Ivoirité » est instauré qui empêche toute personne n’ayant pas deux parents nés en Côte d’Ivoire d’être un citoyen du pays. Une loi foncière de 1998 va de plus refuser la propriété terrienne aux étrangers et donc à une importante partie des immigrés installés en Côte d’Ivoire depuis plusieurs décennies et qui sont souvent les exploitants de la terre. C’est ce qui explique que les hommes politiques ivoiriens et burkinabés entretiennent des contacts très étroits.

Aujourd’hui qu’en est-il ?

Si la Côte d’Ivoire connaît depuis 2011 des taux de croissance à deux chiffres, il ne faut pourtant pas s’emballer. Les Investissements Directs à l’Étranger (IDE) ont triplé en 2013 mais n’atteignent toujours pas un tiers des IDE du Ghana. Pays voisin anglophone similaire. Pour que les taux de croissance se traduisent en amélioration durable du niveau de vie, il faudra aux dirigeants ivoiriens beaucoup de travail. En effet, l’économie ivoirienne a besoin de capitaux pour se développer et si les IDE sont intéressants pour permettre d’introduire de nouvelles technologies et de nouvelles pratiques managériales, ils devront laisser place à un capital local. Le gouvernement devra donc réussir à favoriser des champions locaux qui pourront remonter la chaîne de valeur et finalement créer une économie diversifiée et indépendante des variations des prix internationaux des matières premières.

Shares

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *