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Djibouti, micro-État géostratégique

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D’une superficie inférieure à celle de la Bretagne, Djibouti est un micro-État de la Corne de l’Afrique. Situé sur le détroit de Bab el-Mandeb, entre mer Rouge et océan Indien, il est limitrophe de la Somalie, de l’Éthiopie, de l’Érythrée et fait face au Yémen. Îlot de stabilité au sein d’une région en crise, ce petit pays jouit d’une position enviée de carrefour entre le Moyen-Orient et l’Afrique. Djibouti, c’est aussi une étape cruciale sur une des routes maritimes commerciales les plus empruntées au monde (40 % du trafic maritime mondial), reliant l’Asie, à la péninsule arabique et à l’Europe via le canal de Suez.

Djibouti, un pays minuscule et un carrefour géostratégique entre mer Rouge et océan Indien
Djibouti, un pays minuscule et un carrefour géostratégique entre mer Rouge et océan Indien

En 2015, Djibouti demeure l’un des pays les plus pauvres au monde avec un PIB inférieur à 2 milliards de dollars. La population locale qui n’atteint pas le million d’habitants vit pour plus de 40 % sous le seuil de pauvreté tandis que le chômage concernerait près de 60 % de la population active. Malgré ses handicaps, Djibouti peut compter sur son principal atout : sa position géographique. L’État africain possède une façade maritime sur le golfe d’Aden ce qui attise les convoitises de 2 types d’acteurs : d’une part, les voisins enclavés à l’image du Soudan du Sud et de l’Éthiopie ; d’autre part, les grandes puissances militaires étrangères. Djibouti est considéré comme vital par l’Éthiopie qui ne dispose d’aucun débouché maritime et dont 80 % des exportations transitent par ce petit pays côtier. En contrepartie, les Djiboutiens se fournissent en hydroélectricité en provenance des grands barrages éthiopiens. Le Soudan du Sud mise également beaucoup sur Djibouti afin d’exporter son pétrole. De nombreux projets d’infrastructures comme un oléoduc sont en cours ou à l’étude entre ces trois pays.

Situé à proximité de la Somalie, foyer de pirates et des djihadistes d’al-Shabbab, du Soudan du Sud instable et du Yémen en guerre (Daesh, AQPA, milices houthistes), Djibouti tire aussi avantage de sa position géostratégique auprès des principales puissances militaires mondiales. Ainsi les États-Unis y possèdent-ils la plus grande de leurs bases militaires permanentes en Afrique : le Camp Lemonnier établi en 2002 (plus de 4 000 soldats). Ex-colonie française, Djibouti abrite également une des 4 bases militaires permanentes de la France à l’étranger. La France devrait y réduire ses effectifs d’environ un tiers d’ici 2017, passant de 1 900 à 1 350 militaires tricolores, en raison de contraintes budgétaires et en prévision d’un redéploiement sur d’autres théâtres d’opérations.

Le Japon et la Chine prennent position à Djibouti

Alors que les positions françaises se fragilisent à Djibouti, d’autres puissances au contraire s’y implantent ou prévoient de le faire à court terme. C’est le cas du Japon qui y a ouvert en 2010 sa première base militaire implantée à l’étranger depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’État nippon entend sécuriser la route maritime du golfe d’Aden par laquelle transitent près de 90 % des exportations de l’archipel. Chaque année, un bateau sur 10 qui franchissent le détroit de Bab el-Mandeb est japonais. Le Japon, traditionnel adepte de la diplomatie du chéquier, entend se renouveler et faire valoir sa puissance militaire et ses compétences en termes d’anti-piraterie dans la région.

Surtout, la République populaire de Chine projette de renforcer son empreinte locale, jusqu’alors essentiellement économique, en s’implantant militairement à Djibouti. Habituée à établir des contrats « infrastructures contre matières premières » avec les pays en développement, la Chine propose cette fois un partenariat « infrastructures et protection contre position ». Le géant asiatique est impliqué dans la majorité des grands projets de construction du pays (aéroports, lignes ferroviaires, ports, autoroutes, télécommunications…). La Chine souhaite ainsi protéger ses intérêts en Afrique (plus de 200 milliards d’échanges annuels) et au Soudan du Sud en particulier dans le domaine pétrolier. Ce continent en croissance intéresse les dirigeants chinois qui prévoient d’y faire transiter la branche maritime de la nouvelle route de la soie, futur axe majeur du développement chinois. Quant à Djibouti, il cherche à compenser sa petitesse en vendant cher sa position stratégique. Les baux militaires lui apportent une rente confortable, les accords de défense garantissent sa sécurité tandis que les investissements étrangers développent le pays.

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Rémy SABATHIE

Secrétaire général et rédacteur géopolitique pour Les Yeux du Monde, Rémy Sabathié est analyste en stratégie internationale et en cybercriminalité. Il est diplômé de géopolitique, de géoéconomie et d’intelligence stratégique.

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