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La péninsule de Corée en eaux troubles

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La péninsule de Corée connaît un regain de tension depuis le 6 mars dernier. Alors que la République populaire démocratique de Corée dite « du Nord » a entrepris de nouveaux tirs de missiles balistiques, les États-Unis ont, de leur côté, entamé le déploiement d’un système de défense antimissile en République de Corée dite « du Sud » avec l’accord des autorités locales. Alors que les deux Corées s’étaient rapprochées au début des années 2000 sous Kim Jong-il, le décès de ce dernier et l’arrivée de son fils, Kim Jong-un, au pouvoir, a considérablement changé la donne. Il y a un an jour pour jour, Pyongyang mettait fin à sa coopération économique avec Séoul. Les relations entre les deux pays sont à nouveau dans l’impasse. Des relations qui pâtissent de la lutte d’influence entre les États-Unis et la Chine dans la région.

La présidente Park Geun-hye, destituée depuis le 9 décembre dernier. Une décision validée le 10 mars par la cour constitutionnelle.

Bien que la Corée du Sud soit supérieure dans presque tous les domaines face à son voisin du nord, Pyongyang possède un atout considérable : l’arme atomique. Ce qui représente pour le régime une assurance vie. Une réalité qui ré-apparait aux yeux de Séoul à chaque tirs de missiles balistiques nord-coréen. Mais aujourd’hui la Corée du Sud est en proie à d’autres troubles que ceux liés à son voisin du nord. En effet, elle traverse une période de crise politique interne majeure avec la destitution de sa présidente, Park Geun-hye, empêtrée dans une affaire de corruption. Face à la menace nucléaire, Séoul doit déléguer sa sécurité à son allié états-unien, malgré une des armées les plus puissantes du monde (1), car elle ne possède pas les capacités nécessaires pour contrer ce type de menace.

La Corée, enjeu d’une lutte d’influence entre la Chine et les États-Unis

Les États-Unis ont avec la Corée du Sud un intermédiaire pour contenir le danger nord-coréen, qui a plusieurs fois menacé Washington. De son côté, la Chine permet au régime nord-coréen de survivre économiquement, malgré les sanctions internationales, dans la continuité des relations entre les deux pays depuis la guerre de Corée (1950-1953). Cette mise en place d’un système de défense antimissile par les États-Unis en Corée du Sud n’a jamais été accepté par Pékin. À chaque évocation de l’installation d’un tel système par Washington, la Chine répond par une série de mesures contre Séoul, s’apparentant à des sanctions. Sans oublier le contexte de défiance actuelle, entre le gouvernement chinois et l’administration Trump. Suite à l’annonce le 6 mars d’un déploiement de missiles, la Chine a pris la décision de fermer dès le lendemain plusieurs dizaines de magasins du géant sud-coréen de la vente au détail « Lotte ».

Dire que la réunification des deux Corées n’est pas pour tout de suite est un euphémisme. Aujourd’hui les deux pays n’ont pas intérêt à se réunifier pour différentes raisons. Pour la Corée du Nord, la réunification devrait a priori aller de pair avec une démocratisation du pays, ce qui serait fatal pour le régime des Kim. Pour Séoul, l’intégration des 25 millions de nord-coréens pourrait être un gros problème économique, puisque la Corée du Sud possède un PIB 40 fois supérieur à son voisin. Pourtant, une telle réunification s’est déjà vue dans l’histoire avec celle de l’Allemagne en 1990, entre une RFA à l’économie développée et une RDA très appauvrie. Cependant, le contexte était différent, puisqu’à cette époque l’URSS, grand frère de la RDA, lâchait du lest et était elle même en voie de disparition. Bien au contraire, la péninsule coréenne est un aujourd’hui un lieu stratégique d’influence. La Corée du Sud permet aux États-Unis de se positionner à proximité de la Chine. La Corée du Nord de son côté, est un pion qui permet à la Chine de contrôler l’influence américaine en Corée du Sud. Si la Corée venait à se ré-unifier, il est possible qu’une de ces deux puissances y perdent ses acquis stratégiques. Un risque qu’aucun des deux États n’est prêt à prendre.

  1. La Corée du Sud serait la septième puissante militaire, devant l’Allemagne et derrière la France, selon l’institut d’analyse « Global Firepower »
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Fabien HERBERT

Fabien Herbert est Président des Yeux Du Monde et rédacteur géopolitique pour l'association depuis mars 2016. Formé à l’Université Catholique de Louvain, Fabien Herbert est journaliste et analyste spécialisé en relations internationales. Il s’intéresse notamment au monde russophone, au Moyen-Orient et à l'Asie du Nord-Est.

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