Les charmes de l’or noir ne suffiraient pas à garantir le succès de l’indépendance écossaise
Fort d’une large victoire avec le Scottish National party (SNP) en 2011, Alex Salmond, premier ministre écossais, organise un referendum sur l’indépendance de l’Ecosse le 18 septembre 2014, et vient de présenter mardi un livre blanc pour expliciter son projet. Si son argumentaire est pluriel, il semble que la manne pétrolière en soit néanmoins la pierre angulaire.
Plus de trois siècles après avoir uni son destin à celui de l’Angleterre (1707), l’Ecosse pourrait redevenir indépendante le 24 mars 2016. Salmond, fervent militant de l’indépendance, insiste sur le potentiel de l’Ecosse, avec ses universités de renom, son héritage culturel, mais surtout ses « immenses ressources naturelles » qui permettraient de compenser le coût de l’indépendance.
Il mise sur une réussite à la norvégienne, petit pays de taille équivalente (5 millions d’habitants), séparé de la Suède en 1905, et qui tire son incroyable prospérité du pétrole au large de ses eaux territoriales. Ses revenus relativement élevés, son temps de travail moyen assez faible (26,5h / semaine) et ses fonds souverains (434 milliards d’euros) qui assurent les retraites des Norvégiens et la stabilité financière du pays font rêver les indépendantistes écossais, qui prétendent aussi pouvoir bénéficier d’un fort potentiel de richesse lié à l’exploitation du pétrole au large de la mer du Nord.
Mais si l’or noir semble alors exacerber les désirs nationalistes, trop axer sa politique sur la rente pétrolière est risqué. De nombreux pays ont déjà échoué, victimes du fameux « mal hollandais » (selon le modèle de Neary et Corden), avec d’une part, un déplacement des facteurs de production vers le secteur pétrolier, compétitif et rémunérateur, et de l’autre, un effet revenu qui accroit la demande de biens des secteurs non exportateurs, et donc une inflation qui rogne la compétitivité du secteur exportateur. La Norvège y a échappé en partie grâce à la mise en place d’un fonds d’Etat à partir des revenus du pétrole, qui permet d’agir sur le marché des changes afin d’éviter une trop forte appréciation de leur devise. Ce sera plus délicat pour l’Ecosse sans la stabilité et le soutien du Royaume-Uni, qui refuserait sans doute tout accord monétaire avec un pays souverain (on ne voit pas alors comment Salmond pourrait convaincre Londres, comme il l’a promit, de conserver la livre sterling comme monnaie).
Enfin, l’actif pétrolier n’est guère inépuisable. Selon le trésor britannique, la diminution annoncée de la production pétrolière, doublée du vieillissement de la population et de la charge de la dette conduiraient inéluctablement à augmenter les impôts de près de 1000 livres par contribuable écossais d’ici 2020 (alors que Salmond promet l’augmentation de leurs revenus). La croissance britannique repose en effet sur une économie diversifiée, et l’industrie du whisky ou les énergies renouvelables ne suffiraient pas à compenser l’épuisement de l’actif pétrolier.
Si la mer du Nord n’a pas révélé tous ses trésors, il semble peu probable qu’elle finance indéfiniment la croissance de l’Ecosse et compense les nombreux autres obstacles qui s’opposent à ce rêve (le partage des actifs communs avec l’Angleterre, l’intégration à l’UE sans le passage à l’Euro, la perte d’influence, etc.).