Où va l’OPEP ?
Le 27 novembre, les États membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) doivent se réunir à Vienne afin de décider ou non d’une modification des quotas de production. Cependant, à l’heure où l’Arabie Saoudite décide, unilatéralement de jouer sur la baisse des cours, des dissensions majeures pourraient naitre au sein du cartel pétrolier.
I / Bref rappel historique
L’organisation des pays exportateurs de pétrole fut mise en place le 14 septembre 1960 dans un contexte de montée des mouvements nationalistes à travers le monde (mai 1950 nationalisation du pétrole en Iran ; crise de Suez en 1956). Les majors occidentales contrôlant alors une large partie des activités pétrolières et concentrant la grande majorité des revenus, de nombreux États décidèrent de nationaliser les secteurs des hydrocarbures afin d’accroitre leurs revenus. L’OPEP contrôle alors près du ¾ des réserves mondiales de pétrole ce qui permet au cartel de jouer sur l’offre via le système de quotas indexés sur les réserves prouvées. La guerre du Kippour de 1973 et l’arrivée au pouvoir de l’ayatollah Khomeiny en 1979 entrainèrent deux chocs pétroliers. Les prix passèrent de 3$ US le baril en octobre 1973 à près de 35$ US le baril au plus fort de la crise de 1979. Ces deux crises, ayant ébranlée l’économie mondiale, ont contribué à faire naitre toutes sortes de fantasmes sur le pouvoir de l’OPEP.
Aujourd’hui, l’OPEP compte 12 membres : l’Algérie, l’Angola, l’Equateur, l’Iran, l’Irak, le Kuwait, la Lybie, le Nigéria, le Qatar, l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis et le Venezuela.
II / Dommages collatéraux au sein de l’OPEP
Il est indéniable que l’OPEP et ses pays membres, peuvent influencer les marchés. Cependant, la question est de savoir si l’OPEP en tant qu’institution dispose encore de pouvoirs sur ses membres. Pour Jeff Colgan, chercheur à la Brown University, la réponse est non. Depuis 1982, les pays membres seraient au dessus des quotas près de 96% du temps. En effet, les États membres ont des stratégies différentes : réduire la production pour faire grimper les cours et les rentes (volonté de l’Iran) ou accroitre la production pour gagner des parts de marché et satisfaire la demande (position saoudienne).
Aujourd’hui, l’Arabie Saoudite s’est engagée, unilatéralement, dans une guerre des prix contre les Etats-Unis. La cible : la production de gaz et huiles de schiste américain. En décidant, début novembre, d’abaisser les prix du brut à destination des Etats-Unis, l’Arabie Saoudite cherche à faire baisser les cours pour frapper les couteuses exploitations américaines de schiste. Passer sous le seuil des 75$ le baril remettrait en cause la rentabilité des exploitations américaines. Cependant, les économies de nombreux États membres de l’OPEP subissent de plein fouet la baisse des cours du pétrole. C’est notamment le cas de l’Iran, ce qui n’émouvra pas Riyad, mais aussi du Nigéria ou encore du Venezuela. De plus, le retour de la Libye sur la scène pétrolière nuit également aux membres du cartel les plus affaiblis économiquement.
Ainsi, l’actualité montre que l’Arabie Saoudite n’hésite pas à mettre en danger les économies de pays membres de l’OPEP afin de gagner des parts de marchés. De plus, dans un contexte de suroffre, les États membres deviennent, en l’absence de respect des quotas, des rivaux.
III / Perspectives
L’Arabie Saoudite a besoin d’un prix du baril avoisinant les 95$ US pour financer ses politiques publiques et sociales. Toutefois, le royaume dispose d’assez de fonds de réserves pour tenir plusieurs mois dans cette situation. Bien que cette stratégie nuise aux entreprises américaines, elle permet d’affaiblir davantage l’Iran avant de le porter à la table des négociations sur le nucléaire à la fin du mois. De plus, cette hausse de la production saoudienne, bien que limitée, pourrait rappeler le précédent du milieu des années 80 où l’Arabie Saoudite avait, en concertation avec les autorités de Washington, quintuplée sa production pour mettre à genoux l’économie soviétique. Aujourd’hui l’économie russe subit de plein fouet cette politique. Il est donc fort probable que le royaume ne tienne pas compte d’une politique réévaluation des quotas à la fin du mois.
En 2013, le cartel a produit 39,7% du pétrole consommé dans le monde. Le dernier rapport mensuel de l’OPEP prévoit une baisse de deux points d’ici le début 2019. Bien qu’il y ait actuellement une baisse dans la hausse de la consommation mondiale, les économies asiatiques en particulier vont accroitre les besoins en brut à moyen terme. Afin de maintenir leurs niveaux de production, les pays de l’OPEP devront donc investir massivement afin de moderniser leurs industries pétrolières. Or, ces dernières doivent faire face aux acteurs hors OPEP (Russie, Etats-Unis, etc.), à l’exploitation des hydrocarbures de roches mères et, dans une moindre mesure, au développement des énergies renouvelables.