La stratégie de la tension dans l’Italie des années 1970-1980
La décennie 1970 en Italie, alimentée par un extrémisme politique, a été particulièrement violente. De nombreux attentats vont faire des centaines de morts : à Milan en 1969 (16 morts), l’assassinat du juge anti-terroriste Francesco Coco en 1976, l’assassinat d’Aldo Moro, le président de la Démocratie Chrétienne et encore l’attentat de la gare de Bologne en 1980 (84 morts). C’est au total près de 13 000 attentats qui feront 362 morts en Italie de 1969 à 1980. Les responsabilités seront portées principalement par l’extrême gauche avec les Brigades Rouges ainsi que par l’extrême droite et par la mafia. Cependant, de nombreuses personnes n’ont jamais été arrêtées et des questions se posent encore.
Le point de départ d’une décennie sanglante
Le 12 décembre 1969, une bombe explose à Milan et tue 16 personnes. L’extrême gauche sera immédiatement incriminée et Giuseppe Pinelli, un anarchiste de gauche, sera arrêté. Il mourra défenestré quelques jours plus tard. Selon les Carabinieri qui l’interrogeait, il aurait eu un « malaise ». Toutefois, en 1980, un militant néo-fasciste déclarera que l’attentat avait été accompli par l’extrême-droite dans le cadre de la « stratégie de la tension » ; si les enquêtes avaient mené dans un premier temps vers des militants d’extrême-droite, ceux-ci ont été très vite oubliés et la thèse de l’implication de la gauche favorisée par tous les services de renseignements du pays. L’extrême-droite voulait alors augmenter les troubles politiques en Italie pour favoriser les partis de l’ordre qui implémenterait ensuite une politique autoritaire comme on avait put le voir au Portugal avec Salazar ou en Grèce avec les Colonels. L’extrême-droite va donc mener des attentats plus meurtriers les uns que les autres jusqu’au point d’orgue de cette décennie en 1980 à Bologne. On appellera ce concept: la stratégie de la tension. Il faut néanmoins noter que l’attentat de Milan n’était pas censé faire de morts et que jusque là des centaines d’explosions avaient eu lieus sans jamais blesser qui que ce soit. Le fait que la bombe explose plus tôt que prévu va tout faire basculer.
L’extrême gauche entrera dans l’action directe en réponse aux attentats de Milan
L’extrême-gauche va alors se diriger vers la lutte armée et sera elle même responsable de nombreux assassinats politiques. Les Brigades Rouges, principal groupe d’extrême-gauche de l’époque sera financièrement soutenu par l’Union Soviétique. Ces brigades seront notamment responsables de l’assassinat d’Aldo Moro en 1978 à Rome. Ce dernier s’était fait enlevé alors qu’il allait vers le parlement italien voter la confiance au gouvernement de Giulio Andreotti qui pour la première fois recevrait le soutien du Parti Communiste Italien dans un « Compromis Historique ». Les Américains avaient fustigé cette alliance, ce qui a par la suite poussé certains acteurs politiques à accuser les Etats-Unis par l’entremise de la CIA d’avoir infiltré les brigades rouges et commandité l’assassinat de Moro. Si la thèse de l’implication de la CIA dans l’enlèvement et l’assassinat est controversée, l’implication des Américains pour empêcher les négociations de réussir à été confirmer par Steve Pieczenik, un ancien négociateur des États-Unis du Département d’État américain.
Implication américaine avec le réseau de l’OTAN : Gladio
De l’autre côté, dans la lutte contre l’URSS qui justifie toutes les errances, la CIA va financer par l’OTAN « Gladio ». Un réseau mis en place à la fin de la Seconde Guerre Mondiale pour éventuellement parer à une invasion soviétique de l’Europe. Les membres de ce réseau sont recrutés particulièrement dans les milieux fascistes et de carabinieri du fait de leur opposition aux communistes et de leur entrainement militaire. Cependant, ce réseau avec l’aide de la loge maçonnique P2 va participer activement à la stratégie de la tension. P2, une loge maçonnique créée en 1970 par un ancien volontaire italien dans l’armée de Franco, tombera après l’attentat de Bologne. Licio Gelli, fondateur de la loge sera perquisitionné suite à l’attentat de Bologne qui avait fait 84 morts et la police trouvera chez lui une liste de plus de 900 noms des membres de P2. Parmi eux, trois des chefs des plus importants services du renseignement italien.
Durant toute cette période, les services de renseignement et les milieux fascistes ont bénéficié d’une clémence toute intéressée de la Démocratie Chrétienne qui espérait que l’extrême droite se discréditerait en menant ses actions violentes.
Pour un approfondissement de toute cette période et de l’implication des services de renseignement dans les enquêtes et les différentes responsabilités, le très intéressant documentaire « L’orchestre Noir » de Fabrizio Calvi et de Frédéric Laurent (1997) est disponible à l’adresse suivante : https://www.youtube.com/watch?v=c9LFPSxdNFA