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Emergence et diffusion du conservatisme russe

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Le conservatisme russe présente aujourd’hui une singularité étonnante. Si la Russie peine à influencer sa propre population, l’idéologie russe n’a jamais eu une telle résonance au niveau mondial et surtout en Europe.

Le conservatisme : une idéologie officielle au service du régime

Vladimir Poutine, symbole du conservatisme russe
Vladimir Poutine, symbole du conservatisme russe

Dans les années 2000, l’arrivée de Poutine au pouvoir marque l’affirmation d’une triple centralité : celle de Moscou sur les régions, du Kremlin sur la vie politique et de la Russie sur la scène internationale. Au début de son exercice, Poutine n’a pas pour projet d’instaurer une quelconque idéologie. Toutefois, la révolution Orange ukrainienne de 2004 prouve au pouvoir russe qu’il se doit d’établir une idéologie officielle, dans le but d’éviter tout mouvement contestataire similaire. Ceci se concrétisera par le conservatisme, ou idéologie des « valeurs traditionnelles ».
Le conservatisme avait alors un objectif défensif et un objectif offensif. Par sa visée défensive, il entendait convaincre le peuple russe que le régime poutinien était le meilleur pour le pays. Ceci fut une réussite puisque Poutine bénéficie d’un soutien important de la population russe. Par sa visée offensive, le but était de remodeler la société russe pour qu’elle soit active dans l’espace public mais passive par rapport au régime, ce qui échoua.

L’établissement d’une idéologie officielle en Russie impliquait de faire face à deux difficultés majeures : la diversification des modes de vie et des idéologies en Russie, et la mise en place primordiale d’un appareil répressif pour les récalcitrants à la future idéologie officielle. Afin d’éviter cette « nécessaire » violence, le pouvoir russe a joué la carte de la saturation de l’espace médiatique à travers les discours officiels. Poutine appelle cela « une thérapie culturelle subtile ».

Finalement, le but est de marginaliser les idéologies contestataires, et notamment le libéralisme qui est assimilable aux intérêts occidentaux. Le soft power russe peut donc être qualifié de négatif, puisqu’il cherche autant à décrédibiliser le modèle libéral occidental qu’à rendre le sien attractif.

Les instruments de l’expansionnisme du modèle idéologique russe

Face à la prise de conscience des répercussions que pouvait avoir son idéologie à l’étranger, la Russie s’est inspirée d’instruments de soft power qui avaient fait leurs preuves. L’agence Rossotroudnitchestvo, chapeautée par le Ministère des Affaires étrangères, a été restructurée en 2008 en s’inspirant notamment de la réussite des Instituts Confucius chinois.
De même, devant la réussite des chaînes transnationales comme CNN ou BBC World, le groupe RT fut créé en 2005. Il compte aujourd’hui six chaînes de télévision et six journaux en ligne et est complété depuis 2014 par Sputnik. Axé sur l’international, Sputnik est devenu un véritable instrument de politique étrangère pour la Russie. En 2018, le pouvoir russe a investi à hauteur de 360 millions d’euros dans son audiovisuel extérieur public.

Aujourd’hui, les sites de RT et de Sputnik sont visités par plusieurs dizaines de millions de personnes chaque mois, ce qui montre la résonance que peut avoir leur ligne éditoriale « alternative ». Le retentissement idéologique de la Russie à l’étranger et notamment en Europe fut d’ailleurs une surprise pour le régime. Le contexte international et, notamment, la faillite de l’Union européenne et la crise syrienne ont créé un contexte favorable à l’idéologie russe.

Les limites de la diffusion du soft power russe

Il est possible d’affirmer que le soft power russe est limité. En effet, les médias pro-russes capturent un audimat déjà acquis aux idées illibérales et visent particulièrement la diaspora russe, qui représente près de 30 millions de personnes. Le but recherché est de créer des relais d’influence à l’étranger, et d’affirmer un modèle alternatif en opposition avec le libéralisme occidental. Sa capacité de mobilisation est donc limitée, mais son ancrage en Europe n’est tout de même pas négligeable.

Par ailleurs, le soft power russe fait face à un paradoxe majeur. La Russie peine à influencer sa propre population du fait de l’émergence d’une nouvelle génération qui tourne le dos aux médias traditionnels, mais dispose d’un auditoire certain en Europe à travers son idéologie. Ainsi, malgré un socle idéologique fort, l’avenir du régime poutinien reste une question en suspens.

Sources :



- LARUELLE Marlène, « L’idéologie comme instrument du « soft power » russe. Succès, échecs et incertitudes », Hérodote 2017/3, p. 23-35

– AUDINET Maxime, « Y a-t-il un « soft power » russe  ?, Sud Ouest, 2018

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Xavier BERNAUD

Etudiant en défense, sécurité et gestion à l'IRIS SUP', spécialisé sur les problématiques de sécurité internationale liées à la région du Moyen-Orient.

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