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Israël devant la Cour internationale de Justice

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Le 29 décembre dernier, l’Afrique du Sud créait la surprise en entamant une poursuite judiciaire à l’encontre d’Israël devant la Cour internationale de Justice (CIJ) pour violation de la Convention pour la prévention du crime de génocide. Un mois après une première ordonnance de la Cour, Israël était de nouveau sur le banc des accusés, cette fois dans une autre affaire engagée en janvier 2023, pour son occupation des territoires palestiniens.

Prévenir un génocide palestinien à Gaza

Des manifestation de soutien aux Palestiniens ont eu lieu partout dans le monde.

Avec plus de 25 000 Palestiniens tués et plus de deux millions de déplacés internes au moment des plaidoiries, les attentes étaient hautes de voir la plus haute instance judiciaire mondiale se prononcer pour l’arrêt des combats. Ce fut donc une déception pour beaucoup lorsque la Cour, le 26 janvier dernier, s’abstint d’ordonner un arrêt des combats, contrairement à ce que demandait Pretoria, pour se contenter plutôt de rappeler à Israël ses obligations découlant de la Convention contre le génocide. Bien que timorée, cette ordonnance de mesures conservatoires ne scelle pas l’affaire. Il s’agit en réalité d’une décision d’urgence en attente d’un jugement sur le fond qui lui prendra plusieurs années.

Si les chiffres parlent d’eux-mêmes quant aux ravages commis par l’armée israélienne, l’enjeu juridique, lorsqu’il s’agit de génocide, est de déceler l’intention de la partie en cause. Selon Israël, le cadre juridique de l’affaire est le droit humanitaire et les victimes civiles ne seraient que les regrettables dommages collatéraux d’un usage de la force légitime contre des cibles militaires en zone de guérilla urbaine. Les excès commis constitueraient plutôt des crimes de guerre voir des crimes contre l’humanité, mais non un crime de génocide. Si, au contraire l’intention était décelée, le crime de génocide pourrait être prouvé et Israël condamné. Cette distinction qui paraitra sûrement artificielle pour les victimes des bombardements explique l’attention particulière portée par la Cour aux déclarations des dirigeants israéliens. La Cour allia donc des rapports onusiens sur l’étendue des destructions aux propos du président Herzog et de certains de ses ministres pour conclure qu’un risque de génocide palestinien était plausible.

Avec une telle conclusion, les mesures conservatoires appelant simplement à tout faire pour prévenir des actes constitutifs de génocide paraissent évidemment décevantes mais non surprenantes. Que ce soit en raison des risques de se voir désobéi par Tel Aviv ou de la nature éminemment politique du conflit, il était plus simple pour la Cour de s’en tenir à une interprétation stricte du droit sachant que les leviers de pressions se trouvent, sans surprise, du côté politique.

Quelles conséquences pour l’occupation israélienne ?

Mur israélien à Bethléem.

Un mois plus tard, Israël faisait de nouveau débat devant la même cour mais cette fois-ci dans une demande d’avis consultatif réclamé par l’Assemblée générale des Nations Unies en janvier 2023. Cette demande s’inscrit comme une suite directe de l’avis consultatif rendu par la CIJ en 2004 qui avait notamment considéré que les territoires palestiniens constituent un territoire occupé. Posée en deux temps, la requête de 2023 interroge quant à elle sur les conséquences juridiques de l’occupation continue des Territoires palestiniens et sur les effets des politiques et pratiques israéliennes sur le régime d’occupation. En d’autres termes, cette demande sous-entend à la fois une violation du droit international de par l’occupation elle-même, mais également de potentielles violations du régime d’occupation régulé par le droit humanitaire et les droits de l’homme.

L’avis des grandes puissances

En attendant une réponse de la Cour, les États étaient donc invités à soumettre leurs avis sur ces questions par écrit et le 26 janvier dernier, 49 d’entre eux ainsi que la Palestine et trois organisations internationales se sont exprimés directement devant les juges de La Haye. Ainsi, l’occupation illégale des Territoires palestiniens est largement reconnue (en accord avec la décision de 2004) et, notamment pour la France et la Chine, le retour aux frontières de 1967 (c’est-à-dire, avant la guerre des Six Jours et l’occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est) s’impose comme une solution naturelle. Cela impliquerait également le démantèlement du mur d’enceinte construit autour de ces territoires et l’abrogation de toutes politiques et pratiques empêchant le peuple palestinien à exercer son droit à l’autodétermination. Pour les États tiers, cette situation d’illicéité  obligerait à ne pas reconnaitre les annexions résultantes de l’occupation et à éviter les échanges commerciaux concernant les produits en provenance des colonies.

L’annexion de Jérusalem-Est ainsi que la colonisation progressive de la Cisjordanie contreviendraient également, pour ces États rejoints par la Russie, au droit humanitaire qui instaure un régime d’occupation prohibant toute annexion de territoire occupé. Pour eux, les lois et pratiques discriminatoires de l’État hébreu, notamment le transfert de population (38 % des terres palestiniennes à Jérusalem-Est auraient été expropriées) seraient aussi des violations du régime d’occupation. Si les États-Unis font peu mention de Jérusalem-Est (probablement du fait de la reconnaissance par l’administration Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël en dépit des résolutions onusiennes), ils rejoignent par contre les autres points. Les États-Unis s’accordent aussi avec la Russie sur l’importance du processus de paix et sur la nécessité pour la Cour de considérer l’impact de sa décision sur celui-ci. La Russie explique ainsi que malgré l’illicéité d’Israël, il serait préférable pour la Cour de ne pas établir l’étendue ni les formes précises de sa responsabilité afin de ne pas entraver le processus politique de paix. Pour Israël, bien entendu, la Cour n’aurait tout simplement pas voix au chapitre du fait des accords israélo-palestiniens qui préconiseraient le règlement des différends au moyen de négociations directes. Sur ce point, le Royaume-Uni rejoint Tel Aviv et entend cette procédure comme un contournement du consentement d’Israël à apparaître devant la Cour.

Le droit comme outil politique ?

À défaut de pouvoir réellement impacter la conduite israélienne dans sa guerre à Gaza, certains États trouvent dans le processus juridique une avenue pour dévoiler au grand jour l’illégalité présumée des actions de l’État hébreu. Puisque personne ne croît plus au respect des décisions judiciaires par Tel Aviv (les mesures conservatoires de janvier n’ont pas su réduire le nombre de victimes journalières et Israël n’a toujours pas rendu le rapport attendu sur les mesures de prévention de génocide), ces actions judiciaires apparaissent en réalité comme un outil politique de dénonciation. L’action devant la CIJ intentée par le Nicaragua à l’encontre de l’Allemagne pour sa potentielle complicité dans l’affaire du génocide palestinien va dans ce sens. Certaines décisions judiciaires peuvent cependant être suivies d’effet lorsqu’elles émanent des tribunaux nationaux que les États ont, cette fois, tendance à respecter. La décision de la cour d’appel de La Haye d’interdire les exportations de pièces détachées de F-35 vers Israël en est un exemple. Si les décisions de la CIJ sont régulièrement décrites comme impuissantes, elles pourraient donc tout de même avoir le mérite d’influencer certains tiers. Enfin, des poursuites de la Cour pénale internationale pourraient avoir de lourdes conséquences, non pas pour l’État israélien, mais pour ses officiers et dirigeants impliqués dans des crimes de guerre ou crimes contre l’humanité.

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