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La Nouvelle-Calédonie ou le Caillou gaulois sur terrain de jeu anglo-américain (1/7)

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Archipel situé au cœur du Pacifique Sud, sur un terrain de jeu historiquement anglo-saxon, la Nouvelle-Calédonie est un territoire ultra-marin rattaché à la France. Elle permet à cette dernière d’occuper diplomatiquement, militairement et économiquement, une position hautement stratégique dans cette région du monde. Ainsi, attise-t-elle l’appétit des puissances concurrentes dans la région, les États-Unis, la Chine ou encore l’Australie. Pour l’heure, la Nouvelle-Calédonie fait office d’îlot « gaulo-réfractaire » en zone d’influence hautement dominée par les États-Unis. Son accession ou non à l’indépendance soulève donc des enjeux qui dépassent très largement la question de la simple souveraineté kanake.

La Nouvelle-Calédonie: de la colonisation à l’autonomisation

Depuis le 14 mai 2024, l'archipel de Nouvelle-Calédonie est en proie à des heurts liés au velléités d'indépendance de la Nouvelle-Calédonie
L’archipel de Nouvelle-Calédonie marque une présence française au cœur du Pacifique Sud.

En 1946, la Nouvelle-Calédonie est devenue un territoire d’Outre-mer pleinement rattaché à la France. Ce qui mettait fin à son statut de simple colonie. Depuis cet événement, cet archipel du Pacifique-Sud n’a cessé de voir sa situation évoluer juridiquement. L’une des principales dates à retenir est celle du 22 janvier 1988. Il s’agit du jour où la France promulgua une nouvelle loi accordant un élargissement de l’autonomie néocalédonienne. Concrètement, l’État français ne conservait, dès lors, sur le territoire néocalédonien, que ses compétences régaliennes. Ainsi, ses prérogatives se limitèrent à rendre justice, à battre monnaie et à assurer la défense ainsi que les relations étrangères. Aussi, pouvait-il encore légiférer en matière de droit du travail, de communication audiovisuelle et d’enseignement supérieur.

Cet élargissement de l’autonomie accordée au territoire de Nouvelle-Calédonie ne mit toutefois pas un terme aux affrontements qui opposaient les loyalistes, aux indépendantistes kanaks. Le 22 avril 1988, l’île d’Ouvéa fut le théâtre d’une prise d’otage, au sein d’un poste de gendarmerie, fomentée par des indépendantistes kanaks. Au cours de celle-ci, les insurgés abattirent quatre gendarmes et en kidnappèrent vingt-sept autres. L’opération militaire visant à faire libérer ces derniers se solda par la mort de deux membres des forces armées françaises et de dix-neuf preneurs d’otages. Cet événement conduisit à la fin du statut qui était celui de la Nouvelle-Calédonie depuis janvier 1988, dit du statut Pons II.

Un autre événement important dans l’évolution du statut juridique de la Nouvelle-Calédonie est la date du 23 juin 1988. Il s’agit de la conclusion des Accords de Matignon. Ceux-ci définissaient le statut nouveau qui devait être celui de cet archipel. Cela, avant d’organiser un référendum national à l’automne suivant. Il était également prévu que dix ans plus tard, un scrutin portant sur l’autodétermination de ce département d’outre-mer soit organisé.

C’est ainsi que le 5 mai 1998, un nouveau transfert de compétences entre la France et la Nouvelle-Calédonie fut effectué, dans le cadre des Accords de Nouméa. Dès lors, le pouvoir de l’État central français se limitait à battre monnaie, rendre justice, ainsi qu’à assurer la défense et la sécurité. Le pouvoir exécutif se vit, quant à lui, remis directement dans les mains du gouvernement néocalédonien. Ce dernier disposait désormais d’un président. Un scrutin portant sur l’indépendance pleine et entière de la Nouvelle-Calédonie devait, quant à lui, être organisé entre 2014 et 2019.

Le rejet néocalédonien de l’indépendance de Nouvelle-Calédonie

Le 4 novembre 2018, un premier référendum portant sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie eut lieu. 56, 67 % des suffrages exprimés s’opposèrent à l’indépendance de l’archipel. Paris organisa un deuxième scrutin le 4 novembre 2020. L’indépendance calédonienne fut, cette fois-ci, rejetée par 53.26 % des suffrages. Puis, lors du dernier scrutin du 12 décembre 2021, c’est un non 96.5 % qui en résulta.

Ce triple refus de l’indépendance ne mit toutefois pas un terme aux discussions, entre Paris et Nouméa, sur ce que devait être le statut de la Nouvelle-Calédonie. Précisément, en janvier 2024, un énième projet de loi vit le jour. Il concernait l’inscription des électeurs sur la liste électorale de Nouvelle-Calédonie. L’idée était de conditionner l’inscription de ces derniers au fait d’être né sur le territoire néocalédonien, ou d’ y être domicilié depuis au moins dix ans. Finalement, le 13 mai 2024, jour de la mise en discussion de ce projet de loi à l’Assemblée nationale, de violents affrontement débutèrent au sein de l’archipel. L’État français y décréta, deux  jours plus tard, l’état d’urgence.

Les enjeux extra-calédoniens de l’indépendance néocalédonienne

Il n’est pas dans notre intention de nier les souffrances dont ont pu être victimes les populations originelles de l’archipel. Sans conteste, la présence française en Nouvelle-Calédonie ne engendra d’importantes injustices, notamment entre 1854 et 1945. Ce qui conduisit, d’ailleurs, à l’une des révoltes les plus importantes de l’histoire de Nouvelle-Calédonie. Parmi celles-ci, nous pouvons retenir celle qui éclata le 23 juin 1878. Elle était la conséquence de la colère des Kanaks. En effet, ceux-ci avaient subi la perte d’une part importante des terres fertiles situées dans le centre ouest de l’île. Les autorités françaises réprimèrent cette révolte dans le sang.

Aussi, la présence française en Nouvelle-Calédonie, a-t-elle certainement participé au développement de l’économie de l’archipel. En effet, ce territoire n’aurait probablement pas connu le niveau de vie qui est le sien, sans la colonisation française. Cependant, rien ne permet d’affirmer définitivement que cet argument suffit, à lui seul, à légitimer la volonté française de pérenniser sa souveraineté sur l’archipel néocalédonien. La préoccupation de notre article ne sera, toutefois pas, de disserter sur ce point. Nous laissons le soin aux lectrices et lecteurs d’apprécier eux-mêmes la réponse qu’ils souhaitent donner à cette interrogation.

S’évertuer à analyser froidement et pragmatiquement les enjeux géoéconomiques et géostratégiques qui se jouent au sein du Pacifique Sud, autour de l’accession ou non de la Nouvelle-Calédonie à l’indépendance, tel sera l’enjeu de la suite de cet article.

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Yoann Lusikila

Yoann Lusikila est diplômé de science politique à l'Université de Lausanne. Il s'est spécialement intéressé aux enjeux de sécurité internationale, et de guerres économiques, à l'aune de la globalisation économique.

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