Le Brésil dans un cercle vicieux
Le 16 mars, Dilma Rouseff annonçait que l’ancien président Lula pourrait rentrer au gouvernement. Plusieurs juges se sont alors prononcés contre invoquant dans l’enquête menée sur Lula pour corruption. Dilma Rousseff a donné comme raison qu’elle voulait renforcer son équipe du fait de la procédure de destitution mais les observateurs dénoncent une nomination pour accorder à l’ancien président l’immunité. Le pays s’enfonce dans la récession mais les troubles politiques de Rousseff et de toute la caste politique empêche la présidente de prendre des mesures pour faire repartir l’économie, un cercle vicieux ?
Le Brésil vit depuis un an, une crise particulièrement grave. En effet, le pays subit la pire crise économique de toute son histoire. Le Brésil étant un exportateur de matières premières, il se voit spécialement affecté par le ralentissement de l’économie chinoise. Mais c’est également toute l’économie qui se dévoile inadaptée à une croissance soutenable ; si la période Lula des années 2000 a vu sortir des millions de gens de la pauvreté l’économie ne s’est pas pour autant modernisée. C’est en effet un système basé sur des rentes et l’économie n’est absolument pas compétitive en dehors des quelques matières premières dont le pays est dépendant pour financer ses ambitions sociales. La crise pourrait refaire tomber en pauvreté, des millions de personnes qui en étaient sorties ces dernières années.
Mais c’est un scandale politique d’une ampleur unique qui menace la vie politique brésilienne. Les deux tiers du congrès sont sous investigation de corruption. L’entreprise d’État Petrobras et l’entreprise de BTP Odebrecht sont sous les feux de la rampe pour avoir financer la vie politique de manière complètement opaque. Certains des dirigeants de la compagnie pétrolière sont maintenant sous les verrous et entraînent avec eux toute une partie de la classe politique brésilienne. Mais c’est surtout Dilma Rousseff qui est visée pour avoir, prétendument, maquillé les comptes publics en 2013 en vue des élections de 2014. Odebrecht de son côté qui a reçu tous les plus grands contrats liés aux Jeux Olympiques (JO) est également sous investigation pour corruption. La pilule a du mal à passer à Rio de Janeiro alors que les services de sécurités sociales ont de moins en moins les moyens d’aider la population à cause de la dette qu’a contracté la ville pour construire les infrastructures des JO.
Les révélations semblent n’en pas finir et fragilisent de plus en plus le Parti des Travailleurs (PT) de Rousseff. Le parti vient d’essuyer un important revers quand son allié au parlement, le PMDB, a annoncé qu’il passait dans l’opposition. En effet son leader, Michel Temer, est le vice-président du pays et deviendrait donc président en cas de destitution de Rousseff. Il a décidé de parier sur une destitution que son parti voterait sûrement si la procédure venait à aboutir mais lui même, surnommé « Monsieur 1% » (du fait de sondages qui lui donnaient ce score en cas d’élection), subit une investigation pour corruption ce qui affaiblit sa légitimité en cas de destitution de Rousseff
Dilma Rousseff perdra-t-elle le pouvoir ?
Si la rue et les investisseurs appellent de leurs vœux le départ de la présidente, la principale intéressée n’est pas du même avis. Elle a répété à tout bout de champs ces dernières semaines que jamais elle ne démissionnerait. Si cette option semble hors de question, la procédure de destitution paraît également bancale. La perte du PMDB affaiblit la position de Dilma Rousseff mais Michel Temer ne représente pas un concurrent très sérieux dans l’immédiat. De plus la procédure de destitution est une procédure longue et compliquée et il est difficile d’imagine le congrès destituer Dilma Rousseff alors que celle-ci s’apprête à inaugurer les JO d’été 2016.
Le scandale en cours au Brésil dévoile plusieurs problèmes sur lesquels il faut s’arrêter. Le pays doit moderniser son économie. D’une manière ou d’une autre, cela passe par la destruction des rentes pour augmenter la compétition et permettre l’apparition de nouveaux entrants. Mais pour lutter contre cette économie de rente, il faut affronter le second problème qui est la proximité de la grande bourgeoisie brésilienne avec le pouvoir et la corruption endémique de la caste politique. La corruption n’est pas propre au Brésil mais c’est un problème qui représente un frein considérable au développement du pays et la mise en place efficace d’une politique quelle qu’elle soit. La crise qui fragilise Dilma Rousseff ne lui coutera pas forcément son siège mais bloque le pouvoir et l’empêche de faire entrer le pays dans le concert des nations développées.