La crise de l’Aquarius révélatrice d’une fracture européenne
L’Aquarius est un bateau de sauvetage – dont le propriétaire est une société allemande, Jasmund Shipping – qui a patrouillé en mer Méditerranée, au large des côtes libyennes. Il a été enregistré en 2009, à Gibraltar, en tant que navire de recherche. Le bateau a été affrété entre février 2016 et décembre 2018 par l’association SOS Méditerranée, et avait pour objectif de venir en aide aux migrants en détresse tentant de rejoindre l’Italie. Dès mai 2016, Médecins sans frontières avait de son côté pour mission le soin des personnes une fois à bord. Cet affrètement est sous contrôle des autorités italiennes.
Des crises politiques qui s’enchaînent autour de l’Aquarius
Le samedi 9 juin 2018, l’Aquarius recueille des rescapés à son bord. Il est alors, avec plus de 600 personnes à bord, en surpoids. Conformément au droit maritime international, le bateau doit débarquer ces personnes en lieu sûr. Le Ministre de l’Intérieur italien, Matteo Salvini, annonce le 10 juin qu’aucun port italien n’accueillera ces migrants. L’Aquarius se retrouve en errance en mer, sans pouvoir accoster. Emmanuel Macron critique vivement la décision italienne, Matteo Salvini répondant en questionnant la propre volonté de la France à accueillir des migrants. L’Espagne ouvrira finalement son port à l’Aquarius, et la France recueillera 78 rescapés.
Début août 2018, l’Aquarius porte secours à 141 personnes sous la coordination des autorités maritimes libyennes. Une semaine plus tard, le vendredi 10 août, ces dernières ont déclaré ne pas être en mesure d’indiquer un port sûr où débarquer les migrants secourus. SOS Méditerranée se tourne alors vers les centres de coordination les plus proches, à savoir ceux de l’île de Malte et de l’Italie. Ces derniers refusent. Des négociations sous tension s’engagent, Malte ouvre son port à l’Aquarius sous condition de relocalisation des personnes.
Suite et fin de l’Aquarius : que révèle cette crise ?
Une crise politique et migratoire européenne éclate autour de l’Aquarius. Au cours de la seule année 2017, l’Italie accueille environ 120 000 migrants. Dès 2015, le Conseil de l’UE – qui fixe les lignes d’actions sur la base des priorités stratégiques établies par le Conseil européen – avait adopté une décision afin de relocaliser les migrants vers le reste de l’Europe, pour soulager ces pays dits « de premier accueil » que sont l’Italie mais aussi la Grèce. En mai 2018, la promesse européenne n’a pas été tenue. Seulement 35 % des migrants ont été redirigés. Face à cette absence de solution, le gouvernement italien stoppe l’accueil des migrants sauvés par l’Aquarius sur son sol.
Après s’être fait retirer deux fois son pavillon – par Gibraltar puis par le Panama –, avoir été l’objet de multiples procédures judiciaires notamment par la justice italienne, l’Aquarius met un terme à ses activités le 6 décembre 2018 tout en envisageant une reprise en 2019 à bord d’un nouveau navire. La crise dont il fut le centre révèle les failles d’une absence de politique commune d’asile. Chaque pays européen ayant son propre système, les pays de premier accueil n’ont pas d’aide coordonnée afin de les soulager de l’afflux massif de personnes en détresse en Méditerranée. Les opérations et politiques lancées par l’UE – comme l’opération Sophia de lutte contre le trafic de migrants – n’ont pas montré leur efficacité et ont parfois posé question sur le plan humanitaire. De par cette absence de système global, les migrants eux-mêmes, une fois sur le sol européen, entrent dans une phase d’errance en tentant de bénéficier de l’asile dans un pays, puis dans un autre.
La passion que ce thème soulève dans les opinions publiques et l’enjeu politique qu’il représente pour les dirigeants ne viennent que s’ajouter à la difficulté de s’harmoniser et de s’engager dans une politique d’asile coordonnée.
Sources
Conseil européen – Conseil de l’Union européenne, « Politique migratoire de l’UE », dernière mise à jour le 7 mars 2019.
Le Monde, « Comprendre la crise de l’Aquarius en trois questions », 15 juin 2018.
RFI, « Migrants : « L’Aquarius » de nouveau en errance en Méditerranée », 13 août 2018.
SOS Méditerranée, « Communiqué : fin de l’affrètement de l’Aquarius : pour une reprise imminente des opérations de sauvetage », 6 décembre 2018.
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