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Groupe Wagner : Contractors ou Barbouzes ? (2/3)

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Depuis quelques années, le nom « Wagner » fait écho à de nombreux points « chauds » de l’actualité internationale. Ukraine, Syrie, Centrafrique, Libye, Soudan et même Venezuela sont des territoires où résonnent la présence de civils armés à l’accent russe. Mais qui sont ces membres du groupe Wagner ? De simples « contractors », payés pour faire de la protection comme toute société militaire privée ? Ou ses actions sont-elles plus opaques ?

Alors que tous les pays précédemment nommés sont directement concernés par des intérêts russes il est de bon ton de se poser la question. Le groupe Wagner : société militaire privée ou barbouzerie ?

Wagner et la Libye

Le pétrole libyen, enjeu de la présence du groupe Wagner dans le pays
Le pétrole libyen, enjeu de la présence du groupe Wagner dans le pays

Le 7 novembre 2018, le maréchal Haftar, chef de l’Armée Nationale Libyenne (ANL), apparaît dans une vidéo le montrant avec le ministre russe de la Défense. A côté se tient un personnage connu des services de renseignements du monde entier. C’est Evguéni Prigojine.

Wagner se déploie en Libye, pour la protection de sites d’hydrocarbures. En effet, une grande partie du croissant pétrolier, zone vitale de l’industrie d’hydrocarbure libyenne, est sous contrôle du maréchal Haftar. La Russie joue un double jeu, et tente de négocier avec les deux grands ennemis politiques du pays afin de conclure des contrats économiquement profitables à Moscou. En 2017, la compagnie russe Rosneft obtenait un contrat avec la National Oil Corporation de Libye. Son siège est à Tripoli, ville contrôlée par Fayez Seraj. Une partie non négligeable des installations d’hydrocarbures se trouve cependant dans la zone contrôlée par le maréchal Haftar. Rosneft a pour directeur général un proche de Vladimir Poutine, Igor Setchine, surnommé le « Richelieu du Kremlin » en référence au très influent premier ministre de Louis XIII.

Un groupe au service des proches du pouvoir ?

Obtenir des contrats pétroliers ou d’hydrocarbures dans des pays en crise est une stratégie qui semble porter ses fruits. C’est également le cas de ces arrangements « conseil, formation militaire contre ressources locales ». L’exemple du Mali en est un autre révélateur.

La société privée Wagner permettrait ou influencerait les Etats ou groupes « protégés » en faveur de membres très proche du pouvoir russe. La Russie peut ainsi bénéficier d’entreprises contrôlées par Moscou et d’un accès russe à des hydrocarbures ou ressources naturelles.

Wagner et le Soudan

Le Soudan est également une zone stratégique d’intérêt pour Moscou. En effet, le pays connaît des troubles politiques. Depuis 2017, un rapprochement perceptible s’effectue entre les deux capitales. Entre deux visites d’Omar El-Béchir (novembre 2017 et décembre 2018), la Russie a obtenu de cartographier les réserves de métaux et d’uranium dans le pays. Et le « cuisinier du Kremlin », Evguéni Prigojine, y a effectué de nombreux voyages. Nul doute que le groupe Wagner est concerné par les voyages de son principal financeur.

Malgré le départ du dictateur Omar Al-Bechir, la coopération militaire entre les deux nations s’est confirmée par deux nouveaux contrats bilatéraux, signés le 25 mai 2019. Le premier ne faisait mention que de simples échanges et retours d’expérience entre les deux armées. En revanche, le second parle de l’installation d’une délégation militaire russe au Soudan dans le but de former les troupes soudanaises. Le contrat parle cependant de militaires, reconnus par l’armée.

Mais alors pourquoi le Times, souligne la présence de sociétés militaires privées dans les rues de Khartoum en janvier 2019 ? Comment est-il possible que ce journal présente une photographie d’un véhicule du groupe Wagner dans la capitale Soudanaise ?

Un soutien au régime, pour l’uranium soudanais ?

Selon le Times encore, ces mercenaires auraient aidé le pouvoir à réprimer les manifestants. Information démentie par Maria Zakharova, la porte-parole du ministère des affaires étrangères russe. Elle reconnaît en revanche la présence de sociétés militaires privées russes pour la « formation des militaires et des forces de l’ordre ». Le groupe Wagner était officieusement présent au Soudan avant ce coup de projecteurs. L’accord militaire a donc sans doute permis d’officialiser une présence russe effective depuis déjà plusieurs mois dans le pays.

Et avant d’officialiser cette coopération militaire, un accord entre les deux gouvernements ouvrait l’uranium du pays à des investisseurs, notamment proches du Kremlin. Ce contrat sur le nucléaire civil illustre bien l’intérêt de Moscou pour le pays. Le Soudan possède en effet la troisième réserve d’uranium au monde. Soutenir un pays troublé, bénéficiant d’un sous-sol d’une telle richesse peut engendrer des contrats bénéfiques pour le Kremlin et son industrie, d’autant plus lorsque celle-ci est en grande partie détenu par le pouvoir ou par la garde rapprochée du président actuel. Rosatom, fleuron nucléaire russe aura ainsi la priorité sur l’investissement au Soudan.

Sources :

-“La sécurité, argument de la Russie pour avancer ses pions en Afrique”, France 24, 27 janvier 2019.

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Harold MICHOUD

Harold Michoud est étudiant de Grenoble Ecole de Management et effectue une poursuite d'étude en géopolitique au sein de l'IRIS SUP'.

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