L’Egypte est-elle redevenue un acteur diplomatique clé au Moyen-Orient ?
Après la fuite de son rais H. Moubarak en 2011, l’Egypte a connu plusieurs années difficiles en interne qui ont considérablement réduit son influence sur le champ diplomatique régional. Néanmoins, le Président al-Sissi semble faire de la sécurité régionale un enjeu majeur de sa Présidence.
L’intervention égyptienne en Libye, de plus en plus perceptible, est l’exemple le plus concret de ce qu’Al-Sissi défend comme nouvel axe diplomatique égyptien. En effet, la crainte majeure de l’Egypte est la continuation de la guerre civile libyenne jusqu’en Egypte, ce qui s‘avère possible étant données les relations fortes maintenues par les branches islamistes dans ces deux pays. Ainsi, le récent achat de plusieurs Rafale à la France participe de ce projet égyptien : réduire à néant tout ce qui peut, à terme, menacer l’intégrité égyptienne. Mais c’est surtout vis-à-vis de l’islam politique qu’Al-Sissi a pris des thèses fort orientées. Pour lui, l’islam politique est un danger pour des pays actuellement en crise. En interne, nous nous souvenons de l’exclusion des Frères Musulmans. En externe, Sissi a fait beaucoup pour affaiblir Ennahda en Tunisie et semble faire de même en Libye.
Ne voir qu’un seul Islam politique, est-ce une erreur pour Al-Sissi ?
Ce rejet profond de tout islam politique prend la communauté internationale à contre-pied. Ainsi, alors que bon nombre de chancelleries occidentales défendent l’idée que l‘on peut travailler avec des islamistes au pouvoir (en les appelant « modérés »), Sissi n’y croit guère, et veut faire plier toute menace islamiste, notamment dans le Sinaï, encore relativement contrôlé depuis 2011. C’est une thèse que des chancelleries du Golfe reprochent à l’Egypte de défendre.
En effet, si l’on regarde le contexte régional, on constate que la seule opposition sunnite/chiite, trop souvent réduite à un affrontement irano-saoudien ne suffit plus. Désormais, il faut ajouter l’opposition entre des gouvernements pouvant soutenir des forces islamistes, comme le Qatar et la Turquie, et ceux refusant cela, quitte à éventuellement soutenir des représentants des gouvernements déchus en 2011. L’Egypte fait partie de ce camp-là, notamment en Libye.
La régionalisation de la lutte contre les djihadistes a donc pris une nouvelle forme. Jamais, dans l’histoire moderne, les pays du Moyen-Orient n’avaient pris la tête d’une coalition visant à réduire à néant une menace islamiste installée dans la région. A ce constat nouveau s’ajoutent des oppositions diplomatiques internes croissantes reflétant le poids croissant de certaines économies (Qatar, Emirats) ou le retour sur la scène régionale de pays ébranlés par les printemps arabes, comme l’Egypte. Cette opposition amènera-t-elle un changement durable dans les enjeux de puissance dans la région ? Cela est fort probable.