L’Iran, une nouvelle puissance régionale ?
L’accord de Vienne signé le 14 juillet 2015 a été une véritable bouffée d’air frais pour la République Islamique d’Iran qui se libère progressivement du poids écrasant des sanctions internationales. C’est désormais avec les mains (presque) libres que Téhéran entend jouer les premiers rôles au Moyen-Orient.
La montée en puissance régionale de l’Iran correspond à un ensemble conditions favorables. Évidemment, l’accord résolvant l’épineuse question du nucléaire – dont la pérennité est remise en question avec l’investiture de Donald Trump – a permis une normalisation des relations entre l’Iran et la communauté internationale, et par voie de conséquence de rompre l’isolement dans lequel était plongé le régime chiite. Malgré une marge de manœuvre limitée[1], la nouvelle approche diplomatique menée par Hassan Rohani est marquée par un souci de modération et de dialogue pour ne pas attiser des conflictualités contre-productives. Enfin, au-delà des préoccupations sécuritaires, le climat d’instabilité régionale est riche en opportunités pour l’Iran alors qu’aucune puissance régionale n’est parvenue à établir durablement son hégémonie.
L’Iran, un acteur incontournable des enjeux contemporains régionaux
Du conflit israélo-arabe à la crise syrienne en passant par la guerre civile au Yémén, l’Iran est un acteur stratégique dans l’équilibre régional des puissances et son action a des effets profonds sur la stabilisation ou non de la région. Si l’image d’un « croissant chiite »[2] relève davantage du mythe que de la réalité , il est indéniable que le régime utilise les liens confessionnels pour peser dans la politique de ses voisins faisant des communautés chiites étrangères un levier de pouvoir essentiel. C’est notamment le cas en Irak où l’Iran soutient activement les milices chiites contre l’Etat islamique ou encore au Yémen, où le régime se livre à une véritable guerre par procuration face à l’Arabie Saoudite. Cependant, il ne faut pas surestimer l’unité du monde chiite, ni analyser la politique étrangère iranienne à la seule lumière de la confessionalisation. L’appui au très contesté Bachar al-Assad ou encore le rapprochement surprenant avec la Turquie nous montrent que la diplomatie iranienne s’appuie sur un certain pragmatisme lorsque des intérêts économiques ou sécuritaires sont en jeu.
De nombreux atouts au service d’une politique étrangère ambitieuse
Contrairement au mouvement de militarisation entrepris par Riad, la puissance iranienne ne repose pas sur une mise en valeur de ses capacités militaires. Avec un budget militaire autour des 3% et une armée moyenne tant en termes de taille qu’en puissance de feu, la projection de l’Iran sur la scène régionale ne passe pas par une politique de confrontation avec ses voisins. C’est par ses ressources minières, gazières et pétrolières considérables que l’Iran compte s’imposer durablement comme un « hub énergétique régional »[3] ne manquant pas d’exacerber la rivalité avec l’ennemi saoudien. L’autre signe prometteur de rayonnement pour l’Iran réside dans son marché intérieur qui est le plus large du Moyen-Orient. Si l’ouverture de l’Iran au commerce international se confirme, les perspectives de croissance sont donc prometteuses pour un pays qui culmine aux alentours de 4% en 2017. Les élections présidentielles qui se tiendront en mai prochain auront toute leur importance pour confirmer ou infirmer le virage pris par la diplomatie iranienne.
[1] Malgré une inflexion ces dernières années, la politique étrangère reste la chasse gardée du guide suprême Ali Khamenei
[2] Popularisée par le roi Abdallah de Jordanie, cette expression renvoie à l’existence d’un arc chiite s’étendant du Liban à l’Iran contrôlé par Téhéran qui chercherait à exporter le modèle de la révolution islamique
[3] http://www.iris-france.org/65483-iran-nouveau-joueur-du-grand-jeu