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Les services secrets pakistanais : un État dans l’État ?

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Si la vie politique pakistanaise reste bien méconnue en France, il est un élément qui revient souvent dans nos journaux : la puissance supposée des services secrets pakistanais. Une puissance qui alimente l’imaginaire, les fantasmes, mais aussi les complots. Ainsi en 2014, la revue américaine Foreign Policy a qualifié l’Inter-Services Intelligence comme le service de renseignement le plus performant du monde. L’I.S.I a d’abord été connu pour sa participation à la résistance afghane contre l’envahisseur soviétique dans les années 80, avant d’être sous le feu des critiques pour ses liens présumés avec plusieurs groupes djihadistes. Certains pensent toujours que la puissante agence de renseignement était au courant de la localisation d’Oussama ben Laden, avant son exécution par les forces spéciales américaines en 2011.

L’Inter-Services Intelligence est créé en 1948 après la première guerre indo-pakistanaise, qui a vu pour la première fois émerger un État pakistanais indépendant. La particularité de ce service est une gestion à la fois des activités de renseignement extérieur (sa mission prioritaire) et intérieur (1). Il est donc bien différent d’autres organisations comme la CIA ou de la DGSE, dont les missions sont principalement extérieures au territoire. Après le retrait des troupes soviétiques en Afghanistan, l’I.S.I pari sur la victoire des talibans dans le pays et décide de les soutenir, une position qui sera mise à mal après les attentats du 11 septembre 2001. En effet, l’I.S.I va officiellement se dégager de tout soutient aux islamistes dans le cadre de l’alliance entre Washington et Islamabad. Mais des réseaux entre l’organisation et des groupes djihadistes vont persister et jeter l’opprobre sur l’I.S.I, accusé d’aller à l’encontre des intérêts pakistanais. Ses détracteurs surnommeront l’organisation « Invisible Soldiers of Islam ».

Un État dans l’État ?

En plus des scandales liés à des actes de torture et de répression, la société pakistanaise accuse l’Inter-Services Intelligence d’échapper au contrôle du gouvernement, ce qui a valu à l’organisation ce surnom « d’État dans l’État ». En effet, il s’agit d’une organisation extrêmement bien structurée, avec près de 25 000 membres permanents et 20 000 membres temporaires, en comparaison la CIA possède moins de 23 000 salariés et un peu plus de 5 000 pour la DGSE. L’I.S.I dépend du Ministère de la défense Pakistanaise et son directeur est nommé par la Président. Cependant, le directeur de l’I.S.I ne rend des comptes qu’au chef d’état major de l’armée, qui décide des informations à transmettre au chef de l’État. Si l’armée ne contrôle pas le pays, son rôle y est donc prépondérant.

En 2011, l’ISI est à nouveau sous le feu des projecteurs, suspectée d’avoir hébergé Ben Laden pendant plusieurs années non loin d’Islamabad, la capitale pakistanaise. Aucune preuve n’affirme cette hypothèse, mais la suspicion américaine est assez forte pour pouvoir peser sur les relations entre les deux États. Si affirmer que l’I.S.I possède plus de pouvoir que l’État pakistanais revient à exagérer sa puissance, il est cependant certains, que ce service de renseignement possède une marge de manœuvre et une indépendance que d’autres n’ont pas (2).

  1. L’Intelligence Bureau (IB) s’occupe également du renseignement intérieur.
  2. Pour plus d’informations, la revue Diplomatie a sorti un Hors-série sur la géopolitique du renseignement, le cas pakistanais y est évoqué entre autres.
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Fabien HERBERT

Fabien Herbert est Président des Yeux Du Monde et rédacteur géopolitique pour l'association depuis mars 2016. Formé à l’Université Catholique de Louvain, Fabien Herbert est journaliste et analyste spécialisé en relations internationales. Il s’intéresse notamment au monde russophone, au Moyen-Orient et à l'Asie du Nord-Est.

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