Les derniers jours de Saleh
Ali Abdallah Saleh, le chef du gouvernement du Yémen, a fini par accepter de quitter son poste après trente trois ans de règne. Quatrième chef d’Etat arabe à quitter le pouvoir, il rejoint Ben Ali,Moubarak et Kadhafi dans la liste des dirigeants destitués depuis le début des émeutes du Printemps arabe.
Le Président yéménite a accepté le plan de départ conçu par le Conseil de Coopération du Golfe. Ce « club des riches », regroupant les pétromonarchies du Golfe, mené par l’Arabie Saoudite et dont le Yémen ne fait pas partie, tenait en effet beaucoup à ce que la situation évolue au Yémen. Plus préoccupés par l’instabilité et le risque grandissant constitué par ce pays au bord de l’implosion que par attachement aux libertés démocratiques, les pays du Golfe ont vu leur persévérance récompensée. En effet, entre avril et juin derniers, Saleh avait déjà par trois fois accepté de signer un accord de départ, mais était revenu sur sa décision. Victime en juin dernier d’un attentat, il avait surpris tout le monde par son retour rapide sur le devant de la scène politique. Aujourd’hui, Saleh semble avoir reconsidéré sa position, convaincu notamment par les nouvelles clauses qu’il a réussi à obtenir : le rallongement du délai de transmission du pouvoir à son vice-président de 30 à 90 jours et la tenue d’élections présidentielles dans deux ans – au lieu des deux mois initialement prévus.
Après la signature de l’accord à Riyad (Arabie Saoudite) le mercredi 23 novembre, les réactions étaient partagées au Yémen : si certains se félicitaient du départ de Saleh, les manifestations avaient déjà repris jeudi sur la place Taghir.
En effet, l’immunité et l’exil en Arabie Saoudite, négociés par Saleh en échange de son départ, sont plus que contestés.
Les Yéménites réclament que leur ex-dirigeant soit jugé pour les répressions et les massacres commis depuis le début de l’année.
Par ailleurs, il est probable que le départ du Président Saleh ne change pas fondamentalement la situation du pays, ou du moins pas à court terme. En effet, tout le fonctionnement du pays est entre les mains du clan Saleh, à l’image de la Garde Républicaine commandées par son fils, ou des forces de sécurités, dirigées par son neveu.
Si l’annonce a fait grand bruit dans le monde arabe, il est peu probable que les actes suivent. L’instabilité du Yémen, dans une région aussi stratégique que le Golfe Persique, fait peur, tant à son principal voisin l’Arabie Saoudite, qu’aux Etats-Unis. On peut compter sur eux pour garder en main sur l’évolution de la situation, quitte à freiner l’installation de la démocratie pour garantir leurs intérêts stratégiques.