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Le Nigéria, une croissance forte mais fragile

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« Il y a quelque chose de menaçant derrière le silence. » disait le grand poète nigérian Chinua Achebe. Pourtant, les spectateurs occidentaux s’étonnent de l’omerta autour du décollage économique du Nigéria : 6,6% de croissance en 2012 et 7,2% pour 2013. Les yachts des industriels américains, chinois, européens flottent sur les bords de ce nouvel eldorado de 900 000km² où s’entassent 167 millions d’habitants, ce qui en fait le pays le plus peuplé d’Afrique. Membre du N-11 de Goldman Sachs, ce pays incarne le rêve africain des investisseurs occidentaux et asiatiques qui multiplient les envois de capitaux et d’émissaires. Selon la Banque mondiale, d’ici 15 ans, le Nigéria deviendra la première puissance économique du continent devant l’Afrique du Sud.

Outre son rayonnement économique, le Nigéria est un des rares pays africains à développer les autres facettes de la puissance. Abuja s’impose au sein de l’OPEP et contribue à l’activité politique de la CEDEAO avec ses envois réguliers de troupes en Afrique (Libéria, RDC, Darfour, Mali). Les Super Eagles (football) ont remporté la dernière Coupe d’Afrique des Nations et Nollywood est la deuxième puissance cinématographique au monde en termes de nombre de films devant Hollywood.

Pourtant, les nuages s’amoncellent sur le ciel nigérian.

1)      L’or noir représente 90% des exportations de la première puissance pétrolière du continent et 70% de ses revenus. Le pays est atteint d’une véritable maladie hollandaise contaminant l’industrie locale et l’agriculture, pourtant source de 47% des emplois.

2)      La fragilité de cette économie de la rente inquiète d’autant plus que les revenus pétroliers ne bénéficient qu’à un petit nombre (le pays est classé 139ème sur 176 dans le classement de Transparency International) et entretiennent la grande pauvreté : 70% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Des groupes d’agriculteurs comme le MEND (Mouvement for the Emancipation of the Niger Delta) sévissent contre l’industrie pétrolière et entretiennent l’instabilité politique.

3)      La forte intensité capitalistique de l’industrie pétrolière réduit le potentiel créateur d’emplois du pays et laisse flotter le taux de chômage à 21% de la population active. De plus, la jeunesse abondante (43% de la population en-dessous de 15 ans), très peu qualifiée (taux scolarisation = 45%) et à la recherche d’emploi, entretient une urbanisation désordonnée : Lagos, où les bidonvilles côtoient les buildings, va doubler sa population d’ici 2040. La forte croissance démographique (d’ici 40 ans, le pays comptera 400 millions d’habitants !) est un défi majeur à relever par le pouvoir politique en place.

4)      Les disparités ethniques et religieuses entre musulmans du Nord (les Haoussas) et chrétiens du Sud (Yorubas et Igbos), envenimées par les inégalités économiques, mettent en péril la stabilité du pays. En 2002, les débats internes au Nord sur la stricte application de la charia entraînèrent la fondation de la secte Boko Haram qui multiplient enlèvements et attentats dans sa voie d’intégration au terrorisme. Nous dirigeons-nous vers une partition à l’heure de la remise en cause, depuis l’indépendance du Sud-Soudan, de l’intangibilité des frontières africaines ?

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