La diplomatie d’Oman : une volonté d’ouverture (2/3)
Internationalement légitime, le sultanat d’Oman s’appuie sur une diplomatie d’ouverture dans une région en proie aux tensions. En opposition aux « camps » saoudien ou iranien, Oman promeut le dialogue et le consensus. Sa tradition religieuse et le rôle de son dirigeant jouent un rôle particulièrement prégnant dans cette approche.
Le rôle de l’ibadisme.
Actuellement, Oman est l’unique État musulman à n’être ni sunnite, ni shi’ite. Oman est d’obédience ibadite. Ce courant, descendant du khārijisme, est historiquement issue d’un schisme dans l’umma, la communauté des croyants. Originellement, deux camps s’affrontaient sur l’identité de celui qui devait guider la communauté. Ces deux camps devinrent, quelques temps après, les sunnites et les shi’ites. Concernant cette querelle, les khārijites (les « sortants ») ne souhaitèrent pas prendre partie et sortirent ainsi du débat.
De nos jours, si Oman est le seul État majoritairement ibadite, cette croyance existe en d’autres lieux. Les Mozabites (dans la région du Mzab, en Algérie) et certaines habitants de l’île de Djerba sont aujourd’hui ibadites, de même que certaines populations à Zanzibar et sur la côte est de l’Afrique, du fait de leurs liens historiques avec Oman. Bien qu’officiellement ibadite, Oman n’a pas de recensement de sa population pour l’attester. Toutefois, certaines statistiques faites par la CIA indiquent qu’il y aurait environ 2 % de shi’ites, 49 % de sunnites et la même part d’ibadites.
La religion ibadite repose sur trois principes majeurs qui régissent la diplomatie omanaise. Ces trois piliers sont la shūrā (la consultation), le ta’āqd (le contrat) et l’ijmā’ (le consensus).
Le rôle du sultan Qaboos.
Arrivé au pouvoir en 1970 à la faveur d’un coup d’État contre son père, Qaboos bin Said incarne le renouveau omanais. Dans les années 1970 et 1980, il mit en place des plans quinquennaux afin d’optimiser l’utilisation de la rente pétrolière. Très vite, s’instaura à Oman une idéologie qui se base sur le triptyque : Qaboos, l’État modernisateur et la nation omanaise. Ainsi, un véritable culte de la personnalité fut mis en place autour de Qaboos avec l’idée de la nahda, la renaissance. Le nouveau pouvoir en place réécrivit l’Histoire nationale et avança l’idée qu’avant 1970 la nation était dans la nuit et que, depuis, il y a eu un réveil.
Dans la vie de tous les jours, le sultan est omniprésent. Politiquement, il cumule les postes de sultan, de ministre de la Défense, des Finances, des Affaires étrangères et de directeur de la Banque centrale. Comme l’a indiqué le politologue Michael Herb, Oman est probablement la dernière monarchie absolue des mondes arabes. Souvent qualifiés ainsi, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar répartissent les instruments du pouvoir entre plusieurs membres de la famille régnante. En Oman, tous les portefeuilles régaliens se réunissent dans les mains du sultan.
Malgré cette image imposante, Qaboos est pourtant le fer de lance de la politique médiatrice d’Oman. Pour lui, la diplomatie impose de devoir discuter avec tout le monde. Là où les Occidentaux fermèrent leurs ambassades à Damas au début de la guerre civile syrienne, Oman conserva la sienne. En effet, dans la diplomatie omanaise, l’État prime sur le régime qui est à sa tête.
Le rôle des puissances étrangères.
Dans sa jeunesse, Qaboos fit ses études au Royaume-Uni et s’engagea pendant une année dans l’infanterie britannique. À son retour en Oman, alors sous protectorat britannique, son père Said bin Taimur l’assigna à domicile à Salalah. Toutefois, le Royaume-Uni abandonna le sultan Said, devenu incapable de gérer les conflits internes. Qaboos, jeune, anglophone et anglophile, apparut comme la solution idéale.
Sous le règne de Qaboos, Oman et le Royaume-Uni tissèrent de solides liens. En 1986, les deux États organisèrent un exercice militaire conjoint, le Saif Sareea. Il s’agit du plus grand déploiement militaire britannique depuis la crise de Suez, trente ans auparavant. Diplomatiquement, le Royaume-Uni dispose toujours d’une bonne influence à Oman. En 2014, Qaboos dut se rendre en Allemagne pour se faire soigner, alimentant les inquiétudes concernant sa succession. Un envoyé spécial britannique fut missionné à Mascate pour s’assurer que la transition se fasse en douceur si Qaboos ne revenait pas. Aujourd’hui, les relations entre les deux États sont « inamovibles » selon les propos du ministre d’État britannique Alistair Burt.
Stratégique pour les Britanniques, Oman l’est tout autant pour les Étasuniens. En effet, de nombreux accords ont été signés entre les deux États, dont un il y a quelques semaines. Selon ce dernier, les États-Unis peuvent utiliser certaines infrastructures portuaires et aériennes omanaises. Il y a quelques mois, face aux sanctions dont elle est la cible, l’Iran avait émis l’hypothèse de bloquer le détroit d’Ormuz. Ce récent accord militaire entre les États-Unis et Oman peut être perçu comme une réponse à cette menace iranienne.
Enfin, Oman bénéficie aussi d’investissements chinois. Ces derniers, d’environ dix milliards de dollars, sont notamment destinés au développement du port de Duqm.
Sources.
HERB Michael, « Democratization in the Arab World? – Emirs and Parliaments in the Gulf », Journal of Democracy, 13 (4), octobre 2002, pp. 41-47.
JONES Jeremy, « Oman’s Quiet Diplomacy », Norwegian Institute of International Affairs, 2014, pp.1-6.
ONFRAY Maxime, « Renforcement de la collaboration militaire entre Oman et les États-Unis », Le Grand Continent, 01/04/2019.
RABI Uzi, « Oman’s Foreign Policy: The Art of Keeping All Channels of Communication Open », Orient, 2005, pp.549-564.