Changement de cap en Argentine
Le dimanche 22 novembre 2015, à l’instar des électeurs du Costa Rica et du Guatemala, les Argentins ont décidé d’élire un Président inattendu. Ils ont en effet opté pour Mauricio Macri (Coalition « Changement »), plutôt que pour Daniel Scioli (Front pour la Victoire, FPV), ouvertement soutenu par la Présidente sortante Cristina Fernandez de Kirchner. Le maire de Buenos Aires a réussi à s’imposer avec 51,40% des voix alors qu’il était loin d’être le favori au premier tour des élections, auxquelles il était arrivé derrière son principal opposant D. Scioli. Cet engouement pour M. Macri est symptomatique de la profonde envie de changement du peuple argentin. Cependant, une amélioration de la situation du pays ne sera pas évidente à obtenir.
A peine élu, M. Macri a remercié ses électeurs d’avoir permis la réalisation de ce « jour historique », et a même salué « un changement d’époque ». Il est vrai que l’élection de M. Macri a un caractère inédit. Inédit, car c’est la première fois depuis près d’un siècle que le président élu n’est ni péroniste et ni issu de l’Union civique radicale (UCR). Pour ce qui est du « changement d’époque », M. Macri a en partie raison. En effet, en le choisissant lui et non pas l’héritier de la dynastie Kirchner, le peuple argentin a montré sa volonté de tourner cette page de son histoire, de se séparer du style autoritaire de C. Fernandez.
Afin de battre le candidat soutenu par la Présidente sortante, M. Macri a réuni une large coalition sous le slogan très accrocheur « Changement » (Cambiemos). Celle-ci allait entre autre de son parti libéral Proposition républicaine (PRO) à l’UCR, deuxième grand parti argentin après celui de C. Fernandez, le Parti justicialiste. Pour séduire la majorité des votants, M. Macri a aussi du travailler afin de briser son image de fils à papa, ingénieur et ancien président du célèbre club de football Boca Juniors. Il est donc allé faire campagne dans les quartiers les plus défavorisés, ainsi que les bidonvilles. Il s’est également engagé à ne pas revenir sur les nombreuses aides sociales instaurées par C. Fernandez.
Le nouveau Président, qui prendra ses fonctions le 10 décembre prochain, aura notamment la lourde tâche de sortir le pays du marasme économique dans lequel il est empiégé depuis 4 ans. La tâche ne sera pas aisée.
M. Macri hérite en effet d’une Argentine dont la situation économique est très difficile. Il est estimé que le déficit du pays représentera près de 6% du PIB d’ici la fin de l’année. Quant à l’inflation, elle est désormais de 25%. Le Président aura donc une marge de manœuvre très réduite. Pour dynamiser la consommation et donc renflouer les caisses de l’Etat, il ne pourra pas compter sur les investissements internationaux. Ses deux plus grands partenaires économiques, le Brésil et la Chine, connaissant eux-aussi des difficultés économiques.
En outre, en 2011, C. Fernandez avait instauré de nombreuses règles pour contrôler le commerce et empêcher la fuite des capitaux. Il faudra parvenir à faire lever ces nombreux interdits pour donner un nouveau souffle à l’économie argentine. Cependant, pour mener son programme, M. Macri ne pourra pas compter sur une majorité à la Chambre des députés, ou au Sénat. Le Parlement est encore largement dominé par des soutiens de C. Fernandez.
Ce changement de cap argentin est à inscrire dans un contexte plus large, celui de l’Amérique latine. L’ensemble du continent a été frappé par la crise économique, et ses habitants n’hésitent pas à remettre en question des forces politiques historiques pour trouver des solutions.
En 2014, le Costa Rica a choisi pour président Luis Solis, qui était inconnu quelques mois avant son élection. Plus récemment, le Guatemala a élu Jimmy Morales, un comédien sans aucune expérience politique. Cet engouement pour des hommes politiques est propre d’une Amérique latine qui utilise les mécanismes de la démocratie pour essayer de changer l’ordre établi. Comme le reste du monde, le continent a été fortement touché par la crise économique de 2008. De nombreux pays sont en récession. Les citoyens considèrent que les dirigeants actuels ne trouvent pas de solution. De plus, ils sont même accusés de faire empirer les choses. Les électeurs optent donc pour d’autres options.
A la vue de ce retournement de situation argentin, il est possible de se demander ce qui va se passer lors des élections vénézuéliennes du 6 décembre prochain. L’actuel Président, Nicolas Maduro pourrait être à son tour perturbé par une forte opposition libérale.