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La Cour Suprême, invitée surprise dans les primaires américaines

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Le samedi 13 février au matin, un des juges de la Cour Suprême des États-Unis, Antonin Scalia a été retrouvé mort au Texas. Il avait été nommé par le Président Ronald Reagan en 1986. Depuis son accession à ce poste éminent convoité par les plus grands juristes américains, il s’était illustré par ses fortes prises de position conservatrices au sein de l’institution. Barack Obama a aussitôt salué cette personnalité « hors du commun » qui a inspiré « une génération de juges, d’avocats et d’étudiants ». Cependant, l’actualité politique américaine est telle, que le temps du recueillement a été très bref. La question de la succession du juge Scalia s’est en effet invitée au cœur de la campagne des primaires. Retour et précisions sur ce nouveau débat qui divise la classe politique.  

Mais, au juste, à quoi sert la Cour Suprême des États-Unis ?    

Le siège du juge Scalia au sein de la Cour Suprême a été drapé de noir afin de lui rendre hommage. Loin de ce recueillement, la bataille politique sur sa succession fait rage. (c) J. SCOTT
Le siège du juge Scalia au sein de la Cour Suprême a été drapé de noir afin de lui rendre hommage. Loin de ce recueillement, la bataille politique sur sa succession fait rage. (c) J. SCOTT

Le pouvoir judiciaire des États-Unis est dévolu à la Cour Suprême. Depuis une loi de 1869, elle est composée de neuf juges inamovibles (le Chief Justice et huit Associate Justices). Les candidats sont proposés par le Président, et doivent ensuite recevoir la confirmation du Sénat. C’est la dernière juridiction d’appel américaine. Étant donné qu’elle dispose d’une compétence de droit commun à l’égard de toutes les affaires et controverses, elle doit trancher sur des dossiers clefs, et des questions sociétales.

Parmi les différentes personnalités nommées, il est possible de distinguer deux courants de pensée. D’un côté il y a les « originalistes » (Originalisme), qui considèrent qu’il ne faut pas vider la Constitution de son sens, et qu’il faut l’interpréter en prenant en compte son contexte d’écriture. D’un autre côté, il y a ceux qui voient la Constitution comme un texte pouvant évoluer, et donc être interprété plus librement. Pour eux, la Constitution est un « living tree ».

A. Scalia faisait partie de la première tradition. De ce fait, son décès  rebat complètement les cartes au sein de l’institution. En effet, il y a désormais une parité politique parfaite au sein de la Cour Suprême : 4  juges nommés par des Présidents républicains, et 4 nommés par des Présidents démocrates – dont deux par B. Obama. Cela signifie qu’il est fort probable que lors de prochaines prises de décision, la cour se retrouve bloquée à 4 voix contre 4 voix, et donc dans l’impossibilité de trancher. Cela est problématique, d’autant que la Cour Suprême est constamment saisie de dossiers importants, ayant trait à l’immigration, l’avortement, ou encore l’éducation.

Dans l’idéal, il faudrait donc que le Sénat approuve rapidement un candidat proposé par B. Obama. Cependant, à cause du rôle décisif de la Cour Suprême dans le fonctionnement de la démocratie américaine une bataille politique s’est déclenchée après l’annonce du décès du juge Scalia.  

Les candidats à la primaire du Parti républicain se sont emparés du sujet de la nomination d’un nouveau juge dès un débat télévisé organisé le samedi 13 février au soir. Ils estiment tous que B. Obama ne doit pas proposer un(e) candidat(e). Ils appuient leurs arguments sur une règle non-écrite, dite de « Thurmond », du nom du sénateur républicain Strom Thurmond qui avait bloqué la nomination du juge Abe Forton en tant que juge en chef en juin 1968. Selon cette tradition, aucun nouveau juge ne doit être choisi durant une année électorale. Cependant, de nombreux cas durant le XXème siècle ont démontré que cette règle n’avait pas été toujours respectée.

Que peut donc faire B. Obama face à cette violente opposition ? Comme Les Yeux du Monde l’avait déjà remarqué lors de son discours sur l’état de l’Union, il est déterminé à ne pas être un « lame duck » (littéralement « canard boiteux »). De plus, pouvoir nommer un juge supplémentaire pourrait soit faciliter l’aboutissement de ses derniers projets, soit aider le/la futur(e) Président(e) si celui-ci, ou celle-ci, s’avère être démocrate. Si jamais le futur occupant de la Maison Blanche appartient au Parti républicain, cela sera une façon de rendre moins aisée la mise en place de ses projets. B. Obama, et a fortiori, le Parti démocrate sortirait gagnant de l’histoire.

Toutefois, la situation actuelle laisse penser qu’on se dirige plus vers un blocage complet de la part du Sénat, actuellement dominé par les républicains. Si tel est le cas, les Neuf, seront les Huit pendant de longs mois. Pendant ce laps de temps, si jamais les juges ne parviennent pas à trancher sur un dossier, l’avis de la juridiction inférieure ne sera pas modifié. La Cour Suprême serait bloquée, et ne pourrait donc pas assurer sa double mission de garante du fédéralisme et du principe de constitutionnalité.

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