Quelle nation cubaine après Fidel ?
El commandante, la révolution cubaine, l’anti-américanisme, Che Guevara… C’est un pan entier de l’histoire du XX ème siècle qui s’en est allé le 25 novembre dernier. Fidel Castro est mort à l’âge de 90 ans. L’homme a fait son temps, il avait d’ailleurs disparu de la scène politique cubaine depuis 2008, laissant la présidence à son frère Raúl. Un deuil de neuf jours a été décrété, les scènes de pleurs étaient visibles à La Havane, tandis que les exilés cubains faisaient la fête à Miami. La question se pose à travers cette image: ces deux Cuba pourront-ils un jour être réunis ?
A priori, une fois la démocratie établie à Cuba (postulat nécessaire à mon développement), il n’y aurait pas de raison pour que les habitants restés sur l’île ne cohabitent pas politiquement avec les expatriés de retour. Or il faudra pourtant se mettre d’accord sur le rôle de Fidel Castro dans l’histoire cubaine. Si le caractère dictatorial du Lider Maximo et la répression de son régime ne sont plus à prouver, il est difficile d’imaginer la population cubaine qui lui est restée fidèle, se retourner contre lui. D’une part, parce qu’il est compliqué de sortir de la logique d’endoctrinement mise en place par le régime cubain depuis cinquante ans et d’autre part d’un point de vue mémoriel, puisque qu’il est indéniable que Fidel Castro est le bâtisseur de la nation cubaine.
Fidel est mort, vive Cuba !
En effet, Cuba, cette île située à moins de 200 km des côtes de Floride, a été colonisée jusqu’à la fin du XIX ème siècle et largement sous domination américaine jusqu’au début des années 30. Un autre dictateur, Fulgencio Batista aurait pu être considéré comme le père de la nation cubaine, mais il fût chassé, lui et son souvenir, par Castro en 1959. Cuba, cette île peuplée de 11 millions d’habitants, qui pendant quarante années, a tenue tête aux États-Unis. Un symbole d’une force incroyable qui était, est et sera pour longtemps une source de fierté nationale et régionale. Régionale, car aucun pays d’Amérique du Sud ne peut revendiquer une telle résistance face aux États-Unis, certains de ces États ont longtemps aidé Cuba a tenir le coup économiquement et les hommages ont été nombreux après la mort de Fidel Castro, comme celui de l’ancien Président brésilien Lula pour lequel le décès de Fidel Castro est «comme la mort d’un vieux frère, un camarade irremplaçable que je n’oublierai jamais» (1).
Fidel Castro est donc à la fois un dictateur et un bâtisseur de la nation cubaine, ce que l’Histoire en retiendra, seul les Cubains le décideront. Mais l’écart de perception entre les cubains de l’île et ceux de Miami, ils sont près de 500 000, pose problème pour la réunion de « ces deux » entités de la nation. La difficulté de réunir les deux camps s’est vue notamment sur twitter avec le hashtag des cubains de Miami, pour fêter la mort de Castro : #onlyinmiami. Il faut noter que depuis une dizaine d’années, avec le rapprochement entre Raúl Castro et les États-Unis, Cuba connait une sorte de « défidélisation » maitrisée, qui pourrait servir la mémoire de l’ancien « commandante », comme ce fût le cas lors de la déstalinisation, qui a permis aux soviétiques d’intégrer Staline comme élément socialement constructif de leur Histoire.
(1) La liste des réaction internationales : http://www.leparisien.fr/international/mort-de-fidel-castro-suivez-les-reactions-au-deces-de-l-ex-president-de-cuba-26-11-2016-6378201.php