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Singapour, la cité-État hôte de la rencontre entre Donald Trump et Kim Jong-un

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Comme à l’accoutumée, c’est sur Twitter que le président américain Donald Trump a annoncé l’événement. Le 12 juin prochain, il rencontrera son homologue nord-coréen Kim Jong-un pour un sommet qui s’annonce déjà historique. Il ne s’agissait pourtant pas d’une réelle surprise, puisque la rencontre avait déjà été annoncée depuis plusieurs semaines. Il ne restait plus qu’à fixer la date et le lieu du sommet. Deux États étaient  alors pressentis pour accueillir cet événement : la Mongolie et Singapour. C’est finalement la cité-État d’Asie du Sud-est qui a été sélectionnée. Pour mieux comprendre ce choix réunissant Américains et Nord-Coréens, voici un focus sur les atouts de Singapour, qui expliquent son attractivité diplomatique.

Depuis son indépendance, Singapour est devenue une véritable métropole cosmopolite de 5,5 millions d’habitants.

Singapour la « Suisse d’Asie »

La République de Singapour a érigé l’un des modèles politico-économique les plus réussis des cinquante dernières années. Depuis l’obtention de son indépendance de la Malaisie en 1965, Singapour est souvent citée comme « la Suisse d’Asie ». Elle est devenue l’un des quatre dragons asiatiques (avec Hong Kong, Taïwan et la Corée du Sud) dans les années 1980. Aujourd’hui, la cité-État possède le 11ème Indicateur de Développement Humain (IDH) le plus élevé du monde et le 3ème PIB par habitant. Autre élément de comparaison avec la Suisse , l’intérêt des banques pour cette cité-État, qui sont de plus en plus nombreuses à s’y installer.

Au niveau économique, Singapour  possède le deuxième port au monde (après Shanghai), selon le World Port Ranking [1], en termes d’exportations et de trafic maritime. Le détroit de Singapour a d’ailleurs joué un rôle géopolitique essentiel dans le développement de la cité-État, puisqu’il était un lieu de passage obligatoire pour les navires européens, afin de rallier l’Extrême-Orient.

Depuis la fin de l’occupation britannique, Singapour a continué à se développer, devenant une métropole cosmopolite de 5,5 millions d’habitants aujourd’hui, à majorité chinoise, avec des minorités malaises et indiennes [2].

L’identité nationale singapourienne s’est forgée autour de la figure d’un homme, l’ancien Premier ministre Lee Kuan Yew, au pouvoir de 1965 à 1990. Il est l’instigateur des transformations économiques et sociales de Singapour, passant ainsi d’un État sous-développé à l’une des nations les plus prospères d’Asie. Bien que disposant d’une constitution parlementaire, un seul parti domine la vie politique singapourienne depuis l’indépendance. Il s’agit du  Parti d’action populaire (PAP), fondé par Lee Kuan Yew, et dirigé aujourd’hui par son fils : Lee Hsien Loong. Singapour est un régime hybride, comportant certaines caractéristiques démocratiques avec son système électoral, mais également une part d’autoritarisme, puisque le gouvernement exerce un contrôle important sur les médias.

Un État « neutre »

La raison du choix de Singapour comme lieu de rencontre entre les dirigeants américains et nord-coréens, n’est évidemment pas anodin et la décision a été longuement réfléchie. Tout d’abord, Singapour est un État de confiance pour la partie américaine, car stable économiquement et politiquement. De plus, l’armée singapourienne a manœuvré plusieurs fois aux côtés des forces américaines, notamment en Irak et en Afghanistan. Mais, c’est également une cité-État qui dispose de bonnes relations diplomatiques et économiques avec Pyongyang, bien que les dernières sanctions internationales contre la Corée du Nord aient réduit la collaboration entre les deux pays. Comme évoqué précédemment, le caractère autoritaire de Singapour rassure certainement Kim Jong-un, notamment avec le verrouillage des médias. Enfin, la cité-État et sa majorité chinoise [3], sont également bien vues du côté de Pékin, qui est également concerné par cette rencontre. De plus, Singapour avait accueilli Xi Jinping en 2015, lors d’une rencontre entre le président chinois et son homologue taïwanais Ma Ying-jeou, pour une poignée de main historique, mais sans lendemain…

À l’instar de la Suisse en Europe qui accueille fréquemment des sommets diplomatiques, Singapour est un lieu tout trouvé pour des événements similaires en Asie. Sa neutralité, sa stabilité et sa prospérité sont autant d’arguments qui donnent confiance aux adversaires américains et nord-coréens pour s’y rencontrer. Ainsi, le 12 juin prochain, Donald Trump et Kim Jong-un se retrouveront, peut-être [4], lors d’un sommet tourné autour de la question du nucléaire nord-coréen. Selon certains quotidiens japonais, les deux parties pourraient conjointement y proclamer la fin de la guerre de Corée, toujours en cours officiellement.

[1] http://www.worldshipping.org/about-the-industry/global-trade/top-50-world-container-ports

[2] Les Chinois composent 74,3 % de la population ; les Malais 13,3 % ; les Indiens forment 9,1 % et le reste provient de divers pays, la plupart occidentaux (3,3 %) (Source: Bureau de la statistique de Singapour).

[3] Singapour est parfois surnommée « la petite Chine ».

[4] Un report du sommet a été évoqué à la fois par Pyongyang et par Washington.

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Fabien HERBERT

Fabien Herbert est Président des Yeux Du Monde et rédacteur géopolitique pour l'association depuis mars 2016. Formé à l’Université Catholique de Louvain, Fabien Herbert est journaliste et analyste spécialisé en relations internationales. Il s’intéresse notamment au monde russophone, au Moyen-Orient et à l'Asie du Nord-Est.

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