Chine – Inde : La paix armée
Le gouvernement indien a annoncé hier le succès du lancement test d’un nouveau missile balistique capable de transporter une charge nucléaire et de toucher Pékin ou Shanghai.
En effet, ce nouveau missile, baptisé Agni V (du nom du dieu hindou du feu, tout un programme), a une portée de 5000 kilomètres. Si la mise en service effective du dit missile au sein de l’appareil militaire indien ne se fera pas avant 2014 ou 2015, ce lancement -médiatisé à dessein- témoigne de la volonté forte de l’Inde de mettre en avant un dispositif stratégique crédible face à la puissance chinoise.
De fait, militairement et stratégiquement, l’Inde est à la traine. Sa rivale s’installe durablement dans le rôle de deuxième puissance mondiale, ses capacités militaires croissent exponentiellement, son influence dans l’océan indien ne cesse de s’accentuer (grâce, entre autre, au soutien du Pakistan, du Bengladesh et de la Birmanie)… De plus, la Chine est notoirement déjà capable de frapper n’importe quel point du territoire indien du feu nucléaire.
L’Inde essaye donc de rattraper son retard et de mettre en place une capacité dissuasive efficace et crédible. On peut distinguer trois facteurs explicatifs complémentaires à cette volonté.
Premièrement, cette volonté s’exprime dans un contexte de tension continue entre les deux géants asiatiques. Rappelons nous que les deux pays se sont fait la guerre en 1962, et que les contentieux frontaliers sont encore vifs (la Chine, par exemple, occupe « illégalement » une partie du Cachemire, l’Aksai Chin). Mais ne sombrons pas dans le fantasme morbide : l’hypothèse d’un conflit armé entre les deux pays sur la base de ces contentieux est à écarter sans hésitation. Les autorités chinoises ont d’ailleurs répondu à cette démonstration de force avec une indifférence polie (et laconique !) par la voix du porte parole du ministère chinois des affaires étrangères : « L’Inde et la Chine devraient s’efforcer de travailler ensemble en tant que partenaires stratégiques ».
La deuxième raison est très certainement la principale. L’Inde veut, par cette démonstration de force, affirmer son statut de grande puissance mondiale, capable de parler d’égale à égale avec les membres du conseil de sécurité. La déclaration du porte parole de l’armée indienne est à ce titre révélatrice : « Seuls 5 autres pays dans le monde sont capables de faire ce que nous venons de faire ».
Enfin, la véritable crainte des chinois, c’est que cette initiative fasse partie d’un plan plus global, piloté par les Etats Unis, de « containment » de la Chine. La récente réorientation stratégique de l’armée américaine dans le Pacifique semble plaider pour cette hypothèse.