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Causes et conséquences de l’arrestation du président d’Interpol Meng Hongwei

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Le 25 septembre 2018, le président de l’agence internationale Interpol disparaît en Chine. Sa femme, restée à Lyon, reçoit pour dernier message l’émoticône d’un couteau. 10 jours plus tard, le South China Morning Post annonce que l’homme a été arrêté par la police chinoise. Le 7 août, Interpol reçoit sa lettre de démission, et le ministère des affaires étrangères chinois déclare que Meng Hongwei est sous le coup d’une enquête pour corruption. Une affaire qui témoigne de primauté de la politique intérieure sur la politique extérieure aux yeux du gouvernement chinois.

Meng Hongwei au congrès mondial d'Interpol (Singapour), le 4 Juin 2017
Meng Hongwei au congrès mondial d’Interpol (Singapour), le 4 Juin 2017

Meng Hongwei, un homme sur le fil depuis 2012.

En 2012, l’ancien président d’Interpol voit d’un mauvais œil l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping. Son clan politique est opposé au sien. Comme de coutume dans les pays autoritaires, le nouveau président lance une vaste – et populaire – politique anti-corruption afin de se débarrasser de ses adversaires et de conforter son assise. Le mentor de Meng Hongwei, Zhou Yongkang, en fait les frais. Il est arrêté en 2014 et condamné à la prison à vie au terme d’un procès à huis clos. Néanmoins, l’état du rapport de force politique se stabilise et Meng Hongwei échappe au couperet de la répression. Cet équilibre précaire sera finalement bouleversé par le renouvellement du personnel politique en faveur de Xi Jinping à l’occasion du XIXe congrès du Parti (octobre 2017).

Une arrestation à rebours de la diplomatie et de la politique internationale chinoise.

L’avantage définitif pris par Xi Jinping sur ses opposants en 2017 a fragilisé Meng Hongwei, mais ce dernier pouvait légitimement se penser couvert par sa fonction. En premier lieu, à en croire la propagande enthousiaste des médias chinois à l’égard d’Interpol, l’homme n’a pas démérité dans sa chasse aux fugitifs chinois. Selon Xinhua (un média gouvernemental), près de la moitié d’entre eux avaient été arrêtés grâce au concours l’agence internationale, fin 2017. De plus, cette position offrait à Meng Hongwei une visibilité internationale théoriquement assez importante pour le préserver d’une décision arbitraire. Enfin, sa nomination à ce poste ainsi que sa présence épaulait la politique internationale chinoise d’occupation progressive du terrain au sein des organisations internationales.

Pourtant, malgré toutes ces barrières, Meng Hongwei a non seulement été arrêté, mais le gouvernement chinois a encore attendu deux longues semaines avant d’informer Interpol.

L’affaire Meng Hongwei, un révélateur des priorités du régime politique chinois.

Cet événement donne un indice du rapport de force politique à l’intérieur de la Chine. Mais surtout, il constitue un message fort envoyé par le gouvernement chinois: le renforcement du pouvoir de Xi Jinping est une priorité absolue.

En effet, la nomination d’un individu contesté à ce poste, puis son arrestation brutale, sans notification, est une offense conséquente à l’égard d’Interpol. Elle passera sans doute l’envie aux organisations internationales d’engager des Chinois à de hautes responsabilités, et enraye en tout cas la crédibilité chinoise auprès d’elles.

Néanmoins, aucune de ces conséquences n’est assez importante pour venir frustrer la purge du Parti. Cette arrestation, comme beaucoup d’autres, étaye l’idée selon laquelle la politique extérieure chinoise est absolument subordonnée aux exigences de la politique intérieure de Xi Jinping. Une politique qui se lit à l’aune de deux inconditionnels : rester au pouvoir, et sauver le Parti.

Sources :

Disparition de Meng Hongwei :
https://www.scmp.com/news/china/diplomacy/article/2167213/french-police-launch-hunt-missing-chinese-head-interpol-meng

Réponse du ministère des affaires étrangères chinois :
http://news.dwnews.com/global/news/2018-10-08/60089331.html

Sur la nécessité pressante pour Xi Jinping de purger son Parti :
https://jamestown.org/program/xis-grip-on-authority-loosens-amid-trade-war-policy-paralysis/

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