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Erreur sur le prix Nobel de la paix : l’UE n’a jamais fait la paix

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En ces temps moroses, toute bonne nouvelle est bonne à prendre. C’est au moment de la déchéance de son modèle économique que l’Union Européenne reçoit la consécration politique : le prix Nobel de la paix. Les plus eurosceptiques crieront au complot politique d’une technocratie bruxelloise apte à corrompre le jury d’un concours pour sauver ses avantages acquis. Les plus euromaniaques loueront la reconnaissance des bienfaits du modèle politique européen en faveur du dialogue entre des peuples guerriers à travers les siècles.  Mais le débat est ailleurs.

1)      Alors que la modèle économique européen vacille, l’unique solution à la crise relayée par tous les spécialistes semble être l’édification d’une union politique. Les liens économiques « naturels » entre les nations se distendent : renationalisation de l’épargne allemande et française d’où l’augmentation des taux d’intérêt dans l’Europe du Sud, contestation des aides européennes, … Par conséquent, il faut organiser une redistribution des richesses par des « liens artificiels » grâce à l’instauration du fédéralisme. Le prix Nobel récompense cette évolution d’une Union Européenne économique (celle des fondateurs) à une Union Européenne politique.

2)      Qui doit recevoir le prix ? Éternelle question rappelant la critique de Kissinger : « L’Europe, quel numéro ? ». Sans chef, l’Union Européenne balbutie au niveau international.

3)      Enfin, le prix récompense la faculté de l’UE de faire la paix. Ultime argument de l’europhile en difficulté dans un débat, cette idée contient un message clair : si l’UE disparaît, les guerres reviendront ! L’UE, par sa volonté, impose la paix : elle est donc indispensable, solide, forte. Trêve de coquecigrue ! Ce n’est pas l’UE qui a fait la paix mais la paix (horreur de la Seconde Guerre mondiale, peur atomique, guerre froide, …) qui a fait l’UE. L’Union existe aujourd’hui par la volonté des gouvernements et des peuples nationaux de ne plus guerroyer. L’économie a rarement permis la paix. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Gasperi, Monet, Schumann ne voulaient pas faire la paix par l’Europe mais faire l’Europe grâce à la paix…pour renforcer la paix.

Par delà la polémique sémantique l’analyste voit un véritable débat de fond. Car si l’on admet que les tensions continuent d’exister entre les pays membres, que la concurrence est féroce dans la mondialisation entre ces voisins apaisés et que la guerre peut réapparaître à tout moment, l’Europe devient un être fragile, instable, un édifice à protéger. Dès lors que les tensions réapparaissent (car la paix est pulsatile) l’Union Européenne s’affaiblit. Sans la paix l’UE n’existerait pas. Et la crise européenne actuelle coule justement de la résurgence de tensions entre les pays membres et de la profusion de rancœurs nationalistes empêchant toute solution globale : ce ne sont pas les conséquences des failles du modèle européen mais les causes du problème.

La paix, imposée par les Etats-nations, reste maîtresse de la destinée européenne. Non l’inverse. C’est pourquoi au lieu d’attribuer le prix Nobel de la paix à l’Union Européenne, nous ferions mieux d’attribuer le prix de l’Union Européenne à la paix.

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