Scandale en Turquie : l’AKP mis en danger par ses alliés et ses propres membres.
Cette dernière semaine a été éprouvante pour le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. Une affaire de corruption et de transactions avec l’Iran (sous embargo de l’ONU) éclabousse son parti et les membres de son gouvernement. Mais le plus surprenant est de voir que la principale opposition à Erdogan dans ce contexte vient de ses anciens alliés.
Ce sont les fils des ministres de l’intérieur et de l’économie qui ont été inculpés en milieu de semaine. Ils sont soupçonnés de corruption, de fraude et de blanchiment d’argent dans leur participation à des ventes d’or et des transactions financières illégales avec l’Iran. Le fils du ministre de l’environnement est, lui, inculpé pour d’autres motifs liés aux affaires immobilières de son père, magna des travaux publics. La banque publique turque Halk Bankasi aurait joué un rôle important dans ces affaires, de même que son directeur Süleyman Aslan.
Tout ce petit monde, ainsi que plusieurs membres du parti majoritaire : l’AKP, se déclare bien évidemment innocent. La réaction d’Erdogan ne s’est pas faite attendre puisqu’il a démis de leurs fonctions une cinquantaine d’officiers de police auxquels il reproche de ne pas l’avoir mis au courant de l’enquête. Il a aussi repris sa rhétorique habituelle en dénonçant des complots venants de l’étranger et aussi de l’intérieur du pays pour expliquer les causes d’un tel scandale à quatre mois des élections municipales. Les mêmes méthodes et slogans que ceux lancés contre les manifestations de Gezi l’été dernier, qui dénonçaient sa pratique autoritaire du pouvoir et ses projets d’urbanismes.
Le plus surprenant dans cela est que ce n’est pas l’opposition (très faible) qui secoue l’AKP mais des conservateurs religieux qui s’étaient alliés avec l’AKP en 2002.
C’est par la voix de leur chef, vivant aux Etats-Unis, que la confrérie du prédicateur musulman Fetullah Gülen a répondu en maudissant Erdogan. Cette confrérie est assez puissante dans les milieux policiers et de la magistrature, et a toutes les raisons de conspuer le gouvernement turc car ce dernier a souhaité supprimer les écoles privées et notamment les dershane, les cours privés donnés par cette organisation. Il faut aussi dire que l’organisation a aussi dénoncé les dérives autocratiques d’Erdogan, ce qui a actuellement le don d’énerver le premier ministre.
Que reste-t-il a Erdogan ? Par chance pour lui, l’opposition est trop faible pour constituer une vraie menace. Les religieux sont une épine dans son pied mais ils ne sont pas en mesure de le renverser seul. Le véritable acteur à surveiller du coin de l’œil dans toute cette crise est encore celui qui ne s’est pas exprimé jusqu’ici : l’armée. En cas de forte grogne populaire dans les deux bords politiques, l’armée pourrait à nouveau se sentir légitime pour déposer le gouvernement et prendre le pouvoir comme elle l’a déjà fait de nombreuses fois en Turquie. L’une des caractéristiques fortes de l’AKP était justement d’en finir avec cette intervention de l’armée dans la vie politique. Pas sûr que cela ne tienne encore si le scandale et les manifestations devaient s’amplifier.