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Le sort de Gibraltar au cœur du Brexit

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Le processus du Brexit a officiellement été mis en route le 29 mars 2017. Sans surprise, la procédure expliquée à l’article 50 du traité sur l’Union européenne s’annonce longue et laborieuse. Les premiers points de tension sont vite apparus suite à la présentation du projet « d’orientations de négociations » par le Président du Conseil européen Donald Tusk, deux jours après l’activation de l’article 50. Parmi eux le statut de Gibraltar, territoire britannique de 6,7km2, situé au sud de l’Andalousie, bordé par la mer Méditerranée, à quelques encablures du Maroc, est sujet à dissension.

Quel est le statut de Gibraltar aujourd’hui ?

Le rocher de Gibraltar qui a, entre autre, fait la renommée du territoire. Il culmine à 426 mètres au-dessus du niveau de la mer.

En 1704, le territoire a été conquis par une flotte Anglo-néerlandaise, dans le cadre de la Guerre de Succession d’Espagne (1701-1714). C’est suite à ce conflit que Gibraltar a été octroyé au Royaume-Uni par l’Espagne. En échange de la reconnaissance de la couronne britannique, Philippe V a accepté de céder Minorque et Gibraltar « pour toujours, sans exception, ou entrave quelconque ». Ainsi, depuis la signature du Traité d’Utrecht le 13 juillet 1713, Gibraltar est un territoire britannique. A l’époque déjà, le territoire était considéré comme stratégique à cause de sa position dans le détroit. Malgré cet accord, l’Espagne a essayé à plusieurs reprises de récupérer le bout de terre. Les tensions ont même culminé entre 1969 et 1985 quand l’Espagne a fermé sa frontière avec Gibraltar. Revendiquant leur droit d’auto-détermination, les 30 000 habitants de Gibraltar se sont exprimé par le biais de deux référendums, en 1967, puis en 2002. Ainsi, à deux reprises, ils ont rejeté la souveraineté espagnole.

Gibraltar dispose d’une autonomie importante depuis l’adoption de la Constitution de 2006. Le territoire dispose de son propre gouvernement et parlement. Cependant, la défense et de la politique étrangère sont toujours des obligations du Royaume-Uni.

La population du « Rocher » s’est opposée massivement au Brexit, car son économie dépend en partie de sa place dans le marché commun.

C’est ainsi que Gibraltar s’est retrouvé embarqué dans l’aventure Brexit, alors que le territoire a voté à 96% contre, le 26 juin 2016. Étant donné que Gibraltar a largement bénéficié de l’entrée du Royaume-Uni dans l’Union européenne en 1973, ses habitants veulent continuer à profiter de ce statut privilégié. L’accès au marché unique, composé de plus de 500 millions de consommateurs, lui offre des opportunités économiques intéressantes. Plus de 18 000 entreprises ont été attirées par son faible taux d’impôt sur les sociétés (limité à 10%). De plus, 10 000 espagnols traversent tous les jours la frontière pour venir travailler à Gibraltar. La sortie de l’UE compliquerait ces migrations quotidiennes.

Les habitants ont donc peur que leur économie reposant sur quatre piliers (les services bancaires et financiers, le tourisme, les jeux en ligne, et son port), qui affichait un taux de croissance de 7,8% en 2012 (PIB 1,4 milliards euros) malgré la crise, soit mise en danger par le Brexit.

L’Espagne pourrait donc profiter de cette inquiétude pour récupérer Gibraltar, mais Theresa May tient à conserver ce territoire.

Les tensions historiques entre l’Espagne et le Royaume-Uni ont été ravivées à cause de termes du projet « d’orientations des négociations ». Les autorités européennes ont déclaré que l’Espagne aurait son mot à dire – un droit de veto – concernant le statut de Gibraltar dans les discussions entre l’UE et le Royaume-Uni. La polémique a enflé quand un membre du Parti conservateur Michael Howard, a comparé cette dispute à la guerre des Malouines (1982) menée par Margaret Thatcher. La Première ministre T. May a assuré que la souveraineté britannique sur le « Rocher » serait protégée, mais pas en menant une guerre contre l’Espagne.

Cependant, sans pour autant aller jusqu’à une incorporation de Gibraltar dans le territoire espagnol ou encore à l’indépendance du territoire, on peut imaginer qu’un statut particulier serait négocié pour Gibraltar. Un statut qui lui permettrait de préserver son économie, mais de rester lié au Royaume-Uni – fait auquel le gouvernement tient particulièrement. La question de Gibraltar ne fait que mettre en lumière les nombreuses difficultés qui attendant les négociateurs. Reconnaître la particularité de Gibraltar pourrait réveiller les ambitions d’autres territoires. Ignorer les inquiétudes des Gibraltériens, pourrait revenir à les perdre.

Une légende dit que les anglais quitteront Gibraltar quand les singes – des macaques berbères arrivés au 18ème siècle – auront quitté le « Rocher ». Winston Churchill s’était lui-même assuré que l’espèce ne disparaisse pas. Jusqu’ici, il semblerait que la légende se confirme : les Britanniques tiennent à Gibraltar, et les singes ne sont toujours pas partis.

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