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L’Allemagne dans une impasse politique

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Depuis le début des années 2000, l’Allemagne est toujours citée en exemple de stabilité politique, et économique. Plusieurs États lui envient ses partis politiques, capables de trouver un accord pour gouverner ensemble, et ce malgré leurs oppositions. Les médias l’ont souvent qualifié de « gouvernail de l’Europe », ou encore de « repère » en cas de turbulences. Cependant, depuis les élections fédérales du 24 septembre dernier, le pays navigue en eaux troubles. Un accord entre les leaders politiques n’a toujours pas été trouvé, et la chancelière Angela Merkel est fragilisée.

Les coups de théâtre se sont enchaînés durant les discussions, et l’Allemagne n’a pas encore de majorité.

Le scrutin du 24 septembre a été marqué par l’entrée de l’extrême-droite au Bundestag (12,64% des voix pour l’AfD), mais aussi par un score historiquement bas du parti de la chancelière sortante (32,93% des voix pour CDU/CSU). C’était donc un scénario de « coalition Jamaïque » qui se profilait, c’est-à-dire une entente entre la CDU/CSU, le Parti libéral-démocrate (FDP) et les Verts. Cependant, à cause d’une incapacité à trouver un accord sur les quotas de réfugiés et sur la question du regroupement familial, le FDP s’est retiré des pourparlers le 19 novembre.

Ce premier coup de théâtre a perturbé la sphère politique allemande. La chancelière s’est alors tournée vers le SPD de Martin Schulz, qui avait pourtant déclaré vouloir faire partie de l’opposition. Le but était de prolonger la « Grande coalition » (association CDU/CSU et SPD) qui est au pouvoir depuis 2013. M. Schulz a finalement répondu à l’appel du président allemand Frank-Walter Steinmeier, demandant à tous les partis politiques de négocier. Le vendredi 24 novembre au soir, il s’est dit prêt à négocier.

C’était sans compter sur le ministre de l’Agriculture, Christian Schmidt (CSU) qui a décidé de voter contre l’interdiction du glyphosate (herbicide toxique) au sein de la Commission européenne. Cette décision a surpris, car jusque là, l’Allemagne s’était toujours abstenue. Elle a aussi agacé, car grâce à ce revirement de situation, la majorité qualifiée a été obtenue et la licence du produit a été renouvelée pour 5 ans. Le ministre a affirmé avoir pris cette décision seul, contre l’avis de la ministre de l’Environnement, Barbara Hendricks (SPD), ou encore de la présidente du groupe SPD au Bundestag, Andrea Nahles. Cette dernière a parlé de « rupture de confiance ». C. Schmidt a certainement été influencé par des intérêts économiques : Bayer et Monsanto vont prochainement fusionner. Quant à BASF, qui produit du glyphosate, il a des stocks conséquents à écouler.

Malgré cette « insubordination », A. Merkel a décidé de ne pas remercier son ministre, cherchant à ménager la CSU. Beaucoup se demandent si l’autorité de la chancelière n’est pas profondément atteinte.  

C. Schmidt n’est pas le premier à aller ouvertement contre les ordres de A. Merkel. Quand la  nouvelle localisation de l’Autorité bancaire européenne a été décidée, Michael Roth, secrétaire d’État auprès du ministère des Affaires étrangères devait voter pour Dublin si la candidature de Francfort échouait. Après analyse des résultats, il peut être conclu qu’il a finalement voté pour Paris. Est-ce que A. Merkel est toujours respectée au sein de la sphère politique ? L’inquiétude des partenaires de l’Allemagne semble justifiée. L’Union européenne vit après tout un moment critique avec le Brexit. La chancelière est en effet en accord avec la ligne de Michel Bernier, mais le ministre des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel (SPD), est plus proche de la position française.

On peut donc se demander comment un accord avec le SPD peut être trouvé, si l’entente est consommée. Chaque parti semble vouloir profiter de ce moment difficile pour mettre en avant ses idées, et pour gagner en popularité auprès de l’électorat allemand. M. Schulz pourrait tenter de « jouer la montre », en faisant durer les négociations. Si un accord entre le SPD, et la CDU/CSU n’est pas trouvé, de nouvelles élections pourraient alors avoir lieu. Néanmoins, cette stratégie laisse à désirer. Selon un sondage réalisé par YouGov cette semaine, si les Allemands devaient revoter, la situation n’évoluerait pas (32,0% CDU/CSU ; 21% SPD ; 13% AfD). Au final, si les partis « classiques » ne se rallient pas derrière A. Merkel, cela pourrait faire le jeu de l’AfD.

En somme, la chancelière fait face à une opposition ferme, aussi bien au sein de son parti, qu’auprès de probables alliés. La fin de l’ère Merkel n’a pas encore sonné, mais si elle souhaite former un gouvernement, elle va devoir faire de nombreuses concessions, et y laisser une partie de son autorité – aussi bien sur le plan national qu’européen.

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