Les cérémonies d’ouverture aux JO révélatrices des tensions géopolitiques ?
Les Jeux olympiques sont par leur médiatisation des « JO politiques » (Boniface), à la fois tribune de revendications politiques et géopolitiques. Les cérémonies d’ouverture en sont un parfait exemple.
L’attribution des villes hôtes traduit déjà un rapport de force. Il y a l’attribution sanction comme en 1920 lorsqu’Anvers remplaça Budapest car la Hongrie avait soutenu l’Allemagne lors de la Grande Guerre. Il y a l’attribution récompense. Les JO de Tokyo (1964) marquent le retour du Japon sur la scène internationale tout comme les Jeux de Munich (1972) et de Barcelone (1992) célèbrent la pacification allemande et la fin de la dictature franquiste. Parfois l’attribution est purement économique voire mafieuse : ce furent les JO « Coca Cola » d’Atlanta ou les JO mormons de Salt Lake City. Enfin, il y a l’attribution géopolitique, marquant le déplacement du barycentre géopolitique (Séoul 1988, Pékin 2008, Sotchi 2014, Rio 2016).
La cérémonie d’ouverture est avant tout une démonstration médiatisée de la force d’un pays. Elle traduit l’histoire d’une nation et montre la puissance d’un pays à la manière d’un défilé militaire en couleur. Hitler utilisa la tribune de Berlin en 1936 pour célébrer le culte du corps aryen. Les spectacles grandioses de Pékin et Sotchi démontrent le retour au premier plan de pays grâce aux régimes autoritaires et font taire des contestations internes grandissantes : les tibétains et ouïghours en Chine, les contestations politiques et ethniques en Russie, surtout en Tchétchénie.
Le CIO est une institution internationale à part entière : il rassemble plus de membres que l’ONU ! Il a souvent anticipé des évolutions géopolitiques. A Stockholm (1912), les délégations autrichiennes et hongroises défilent séparément alors qu’elles appartiennent au même Empire. De 1956 à 1964, les deux Allemagnes séparées par le rideau de fer concourent ensemble. La Palestine est représentée à Atlanta (1996) et les deux Corées défilent sous le même drapeau à Sydney (2000).
Les cérémonies des Jeux servent également de tribunes politiques. Le jour de la cérémonie d’ouverture des JO de Melbourne (1956) le réformateur hongrois Nagy est arrêté par le KGB. A l’ovation du public pour la délégation hongroise succède un silence de mort pour le passage des soviétiques. Quelques jours plus tard, la demi-finale de Water Polo se transforme en bagarre générale entre ces deux équipes. Contre la nouvelle appellation de leur île en Formose, les athlètes taïwanais défilent sous une pancarte « Under protest » aux JO de Rome en 1960. Parfois les symboles utilisés sont forts : Cathy Freeman célèbre l’héritage aborigène en allumant la flamme aux JO de Sydney et remportant, quelques jours plus tard, la médaille d’or du 400m.
Enfin, il y a les couacs, gestes involontaires révélateurs d’une époque. A Séoul (1988), le traditionnel lâcher de colombes tourne au carnage : la vasque olympique se transforme en rôtissoire à colombes. Rien à faire pour réconcilier les deux Corées. Depuis, le lâcher de colombes a lieu après l’allumage. Il y a quelques jours à Sotchi, un anneau olympique ne s’allume pas lors d’une animation : c’est l’anneau représentant l’Amérique. Freud parlerait d’un désir inconscient …