Les enjeux de la nomination du nouveau Secrétaire général des Nations-Unies
« L’idée qu’un individu peut changer le cours du monde est une illusion ». C’est en ces termes que s’est exprimé le politologue Philippe Moreau-Defarges à propos de l’actuel Secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon. Après 4 ans à la tête d’une organisation souvent qualifiée de « gardien de la paix mondiale », l’heure est au bilan pour le diplomate sud-coréen. La nomination de celui qui sera le 9ème a avoir occupé cette fonction pose la question des moyens d’action dont disposera son successeur pour impacter la politique mondiale, et des enjeux de cette nomination.
Une fonction aux multiples facettes
Selon la Charte des Nations-Unies, le Secrétaire Général est « le plus haut fonctionnaire de l’Organisation », et ses attributions sont multiples. Sur le plan technique, il est le chef de l’administration de l’organisation. Véritable conciliateur entre les intérêts des États, piliers stratégiques de l’organisation, et le respect des droits l’homme et de la paix, le Secrétaire général exerce sa mission en alertant la communauté internationale sur les problématiques et grands enjeux qui mettent en péril la stabilité diplomatique mondiale, et en encourageant les négociations préventives à la naissance d’un conflit, par le biais de la procédure dite des « bons offices ». Si ces prérogatives ont été fixées dès 1945 et élargies progressivement, leur usage par les différents Secrétaires généraux successifs a différé, comme le montrent les critiques qui entourent les deux mandats de Ban Ki-moon.
Homme invisible pour certains, diplomate volontairement bridé dans ses ambitions par les États ayant procédé à sa nomination pour d’autres, l’actuel Secrétaire fait l’objet d’un bilan en demi-teinte. Ses plus grandes réussites ? La coordination de l’Accord de Paris sur le climat, la mise en place d’Objectifs de Développement durable, succédant aux Objectifs du Millénaire pour le Développement élaborés en 2000, sous le mandat de son prédécesseur, Kofi Annan. Mais ces succès n’ont pas réussi à faire oublier les difficultés rencontrées par Ban Ki-moon face au conflit israélo-palestinien, à la crise en Syrie, et au conflit du Sahara occidental, qui oppose depuis 1975 le Maroc au Front Polisario.
La nomination d’Antonio Guterres, source d’espoir pour la communauté internationale
A la suite d’un vote quasi-unanime du Conseil de Sécurité, Antonio Guterres, ancien Haut commissaire aux Nations-Unies pour les réfugiés, devait prendre la tête de l’organisation au 1er janvier 2017. A l’heure où l’Europe fait face à une crise identitaire et politique autour de l’immigration, la nomination de l’ancien Premier Ministre portugais est une opportunité pour de nombreux pays membres de l’organisation.
Homme d’action, il dresse un bilan mitigé de l’organisation dans laquelle il a œuvré en tant que Haut-commissaire pendant 10 ans, s’étant dit « frustré » de ne pas pouvoir agir à la source, sur les facteurs de naissance des déplacements de populations : la prévention et la résolution des conflits. C’est sur ce point qu’Antonio Guterres risque d’être mis à l’épreuve dès le début de son mandat. Alors que le nombre de conflits s’est sensiblement réduit depuis la création de l’organisation en 1945, la résolution de la crise syrienne, aux proportions désormais mondiales, est au point mort.
L’attaque récente d’un convoi humanitaire de l’ONU par des frappes aériennes imputées par les États-Unis à la Russie, la violence des combats dans la ville d’Alep, l’incapacité de l’Europe à prendre en charge la situation humanitaire, et la multiplication des acteurs sur le terrain, sont autant d’urgences sur lesquelles M. Guterres devra se positionner afin d’éviter que la Syrie ne sonne le glas de la mission fondatrice de l’ONU : préserver la paix.