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Indépendance énergétique américaine : vers la fin du pacte avec l’Arabie saoudite ?

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Selon certaines prévisions, les États-Unis obtiendront une quasi-indépendance énergétique en 2030. Ce bouleversement de la demande américaine pourrait redéfinir les rapports entretenus avec l’allié saoudien depuis 1945. Pour autant, les intérêts américains dans la région sont tels que l’alliance américano-saoudienne qui pourrait se résumer à « pétrole contre sécurité » a encore de beaux jours devant elle.

Indépendance énergétique des Etats-Unis : vers la fin du pacte de Quincy avec l'Arabie saoudite ?
George Bush Sr visite les soldats américains déployés en Arabie saoudite en 1990 ©Flickr/U.S. Army Europe

 

La fin d’une idylle ? Depuis 1945, les États-Unis et l’Arabie saoudite sont liés par le pacte du Quincy. Celui-ci stipule, entre autres, qu’en échange d’un accès au pétrole saoudien, les États-Unis doivent assurer la protection militaire du royaume contre d’éventuelles menaces extérieures. Un pacte qui pourrait aujourd’hui être remis en question au vu de l’émancipation énergétique acquise par les Etats-Unis ces dernières années.

En effet, grâce à l’exploitation du pétrole de schiste et des énergies renouvelables, la première puissance a largement diminué ses importations de pétrole. En 2005, les États-Unis importaient 60% de leur consommation pétrolière alors qu’en 2016, ce taux d’importation se situait autour de 22%. Selon certaines prévisions, les États-Unis pourraient même atteindre une quasi-indépendance énergétique en 2030. Si ces prévisions se vérifiaient, elles pourraient redéfinir les contours du pacte conclu avec l’Arabie saoudite, d’autant plus que depuis le début du conflit syrien, les relations entre les deux États se sont progressivement détériorées.

Et pour cause : les Saoudiens n’ont toujours pas digéré l’attitude de Barack Obama après que celui-ci ait fixé une « ligne rouge » concernant l’utilisation d’armes chimiques en Syrie sans la respecter. De plus, l’accord sur le nucléaire iranien est venu perturber l’équilibre régional. Les Saoudiens redoutent désormais un retour en puissance du rival iranien. Un retour rendu possible par la levée partielle des sanctions internationales. De leur côté, les Etats-Unis sont de plus en plus prudents envers un allié souvent décrié par l’opinion et régulièrement accusé de diffuser sa doctrine wahhabite à travers le monde.

Le positionnement américain au Moyen-Orient : un enjeu stratégique

Pour autant, les deux puissances n’ont pas un intérêt stratégique à rompre ce pacte qui les unit depuis plus de 70 ans. En effet, l’Arabie saoudite assure aux États-Unis une porte d’entrée au Moyen-Orient. Et au vu de l’importance stratégique de la région, Washington a toutes les raisons de préserver cette alliance.

Malgré l’accord sur le nucléaire iranien, les États-Unis n’ont pas levé, à l’inverse des Européens, leurs sanctions contre le régime. De plus, Téhéran continue de développer un programme de missiles balistiques qui inquiète fortement Washington. Afin de surveiller l’évolution de ce dernier et de protéger Israël, le positionnement américain au Moyen-Orient est toujours une priorité stratégique.

Par ailleurs, dominer le Moyen-Orient revient à dominer le monde, du moins en termes d’énergie, puisque la région représente 48% des réserves mondiales prouvées d’or noir. En y garantissant une présence militaire et diplomatique, les Etats-Unis pourraient couper les routes d’approvisionnement des hydrocarbures en cas de conflit ouvert avec un autre Etat. Il s’agit, ici, d’un des scénarios redoutés par Pékin puisqu’en 2015, respectivement 46% et 41% des importations chinoises de pétrole et de gaz provenaient du Moyen-Orient.

Même si les États-Unis ont délocalisé leur base militaire d’Arabie saoudite au Qatar en 2003, ils ont gardé une présence bien réelle dans le royaume. Ils possèdent notamment une base secrète de drones dont l’existence a été dévoilée par le Washington Post en 2013. Aussi, conserver une présence en Arabie saoudite permet aux Américains d’avoir accès à des couloirs aériens dont ils se sont notamment servis durant la guerre en Irak. De plus, les contrats d’armement entre les deux États constituent un point central de leur relation. Selon la SIPRI, les importations en armes de Ryad ont augmenté de 275% entre 2011 et 2015 par rapport à la période 2006-2010. Un besoin en armement qui risque de s’intensifier au vu de l’enlisement que connaît l’intervention saoudienne au Yémen.

Pour toutes ces raisons, et bien les États-Unis n’aient plus les mêmes besoins en or noir qu’auparavant, ils ne mettront certainement pas un terme au pacte du Quincy. Preuve manifeste de l’intérêt qu’ils portent au royaume saoudien : le pacte a été prolongé pour une durée de 60 ans en 2005. Et malgré l’arrivée à la maison blanche d’un président dit isolationniste, l’Arabie saoudite restera pour les États-Unis d’un intérêt stratégique majeur.

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