Francophones de tous les pays unissez-vous ! Retour sur le rapport « Francophonie et Francophilie, moteurs de croissance durable » de Jacques Attali.
Le rapport intitulé « Francophonie et Francophilie, moteurs de croissance durable » a été remis au Président de la République par Jacques Attali en août 2014. Il essaie de montrer la pertinence d’une stratégie de solidarité francophone pour la France en soulignant le potentiel économique et démographique d’un ensemble en pleine expansion qui pourrait atteindre 770 millions de locuteurs en 2050. Cependant il met aussi en garde : négliger le rayonnement de la langue française dans le monde, se reposer sur des acquis hérités de la période coloniale en Afrique de l’Ouest et au Moyen-Orient notamment pourrait coûter cher à la France et grandement diminuer son influence dans le monde.
Le rapport Attali sur la francophonie et la francophilie choisit d’aborder la question du langage dans une optique profondément économique. Pour ce faire il s’appuie sur les deux postulats suivants :
- « L’effacement progressif des frontières nationales impose d’autres critères d’appartenance identitaire : la langue et la culture constituent la nouvelle géographie »
- « Deux pays partageant des liens linguistiques tendent à échanger environ 65 % plus que s’ils n’en avaient pas ».
Autrement dit dans un contexte de mondialisation des échanges et de dissolution des frontières nationales la langue est l’un des derniers marqueurs identitaires faisant sens au niveau mondial, et ce marqueur facilite grandement le commerce entre ceux qui le partagent. La principale critique que l’on puisse faire de ce rapport très instructif par ailleurs tient donc à cet axiome de départ et au biais intellectuel qu’il suscite : sa conséquence logique est la constitution inexorable de grands blocs culturels et linguistiques transfrontaliers à la Huntington supposant une solidarité entre individus – les francophones – plus forte que l’intérêt national. Bien entendu le rapport est loin d’être aussi catégorique mais pour en tirer les conséquences les plus intéressantes, il faut supposer la lente disparition du fait national au profit de solidarités qui sont encore hypothétiques à l’heure actuelle.
Cependant, le rapport de Jacques Attali offre un point de vue tout à fait original sur l’ensemble francophone lui-même en introduisant les notions de francophilie et de francophilophonie.
Si l’ensemble francophone est constitué des 31 pays ayant le français comme langue officielle – soit seule, soit parmi d’autres – et de 6 pays dont plus de 20% des habitants parlent le français (Tunisie, Algérie, Maroc, Andorre, Liban et…Moldavie), le rapport distingue les pays francophiles – entre 1% et 20% de francophones – disposant souvent de diasporas francophones importantes en nombre absolu (comme les Etats-Unis ou Israël) et l’ensemble plus atomisé des élites francophones – d’origine française ou non – ayant un rôle d’influence dans l’économie et la politique mondiale. Ces trois ensembles sont qualifiés par le néologisme de « francophilophonie ».
Une fois cette notion posée, les prescriptions stratégiques du rapport sont claires : « Au-delà d’une zone d’influence culturelle et politique, la « francophilophonie » doit se muer en un espace de développement et d’échanges économiques. Penser la francophilophonie économique, c’est utiliser l’outil de la langue française et de la culture dont elle est porteuse en tant que levier de croissance et d’influence. » La France doit se poser en leader de ce groupe hétéroclite mais dynamique représentant plus de 16% du PIB mondial et 14% des réserves mondiales en ressources naturelles.
Bien que certains postulats soient discutables, ce rapport est une contribution tout à fait intéressante sur une stratégie géoéconomique originale pour la France et sur la notion même d’identité francophone.
A lire sur : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/144000511/0000.pdf