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Vers une nouvelle intervention en Libye ?

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Mercredi 18 février 2015, une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies concernant la Libye a lieu en réponse à l’appel lancé par le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi. Ce dernier réclame une intervention militaire internationale en Libye pour y éradiquer la menace terroriste djihadiste. Il demande également la levée de l’embargo sur les armes qui empêche le gouvernement de Tobrouk, reconnu par l’ONU, de se fournir en armement. Cette réunion se tient à New York, le lendemain des raids aériens menés par l’Égypte contre les positions de Daech, désormais implanté en Libye.

Abdel Fattah al-Sissi, le président égyptien possède un rôle clé dans la lutte contre Daech en Libye
Abdel Fattah al-Sissi, le président égyptien possède un rôle clé dans la lutte contre Daech en Libye

La Libye connaît une grave crise politique et sécuritaire, déclenchée en 2011 à la suite des Printemps arabes et de l’intervention otanienne. La chute de Kadhafi a abouti à des élections libres dans le pays mais rapidement les autorités libyennes se sont retrouvées débordées par les affrontements entre milices rivales qu’elles n’ont pas réussies à désarmer. Profitant du chaos sécuritaire ambiant, Daech s’est implanté en Libye et a commencé à revendiquer des attentats commis en Libye mais aussi en Égypte, dans le Sinaï. Dimanche 15 février, l’organisation terroriste diffusait une vidéo montrant l’exécution de 21 Égyptiens chrétiens (coptes) ce qui provoqua en représailles les frappes aériennes égyptiennes sur les positions de Daech, dans la ville de Derna en Libye.

L’Égypte, menée par al-Sissi, se situe aujourd’hui à l’avant-garde du combat contre Daech. Pour des raisons de sécurité nationale, le président égyptien se doit de faire face à la menace djihadiste en engageant le combat contre l’organisation terroriste. Dans cette optique, il a signé en un temps record un contrat de vente avec la France incluant la livraison de 24 Rafales. En effet, l’Égypte est victime d’une vague d’attentats au Caire notamment mais aussi en Somalie où une délégation égyptienne a été visée ainsi que dans le Sinaï. Le pays est de fait encerclé par des éléments hostiles provenant de l’est (Sinaï) ainsi qu’à sa frontière ouest (Libye). En outre, al-Sissi se doit d’être ferme pour des raisons personnelles de légitimité puisqu’il est arrivé assez récemment au pouvoir par un coup d’État. Enfin, ce sont des raisons politiques qui le poussent à agir puisque ces ennemis sont les Frères musulmans, un parti politique islamiste rigoriste dont les éléments plus radicaux sont partis combattre en Libye, après la chute du président Morsi.

 Qui se battra aux côtés de l’Égypte ?

Toutefois, malgré son statut de première puissance militaire arabe, l’Égypte n’envisage pas de mener ce combat seule. L’Italie a dores et déjà répondu positivement à son appel. Rome a proposé de projeter une force de 5 000 hommes en réponse au risque de fusion entre les milices locales libyennes et Daech. Située à 500 km du littoral libyen, l’Italie est un des pays les plus exposés aux flux massifs de migrants clandestins en provenance de la Libye, devenue une plateforme internationale de départ et de transit de l’immigration illégale. La France, par l’intermédiaire du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, plaide pour une mobilisation internationale urgente. En effet, la force française Barkhane s’efforce de faire reculer les terroristes dans le cadre du « G5 Sahel » mais se trouve désormais prise en tenaille au Niger et au Tchad entre au nord, Daech en Libye et au sud, Boko Haram au Nigéria. Les deux organisations djihadistes sont en passe d’établir deux sanctuaires terroristes, d’où l’importance du dispositif Barkhane qui limite pour l’instant leur jonction par les États pivots que sont le Niger et le Tchad.

Les principaux États européens et les États-Unis préfèrent une solution politique à la crise libyenne mais n’ont pas engagé de réelles actions en ce sens. Au contraire, le fait d’avoir reconnu un des deux gouvernements du pays (en l’occurrence celui de Tobrouk et non celui de Tripoli) n’a fait qu’aggraver la déchirure du pays ce qui fait le jeu de Daech. La solution militaire semble nécessaire à court terme pour empêcher la constitution d’un sanctuaire terroriste sous le contrôle de Daech en Libye mais seule la solution politique, par le dialogue et les négociations, incluant tous les acteurs de l’échiquier politique libyen paraît à même de ramener la paix en Libye.

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Rémy SABATHIE

Secrétaire général et rédacteur géopolitique pour Les Yeux du Monde, Rémy Sabathié est analyste en stratégie internationale et en cybercriminalité. Il est diplômé de géopolitique, de géoéconomie et d’intelligence stratégique.

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