Le Nigéria, géant africain aux pieds d’argile
Depuis de nombreux mois, le Nigéria fait bien souvent la une des journaux pour son incapacité à mettre un terme aux agissements de la secte Boko Haram, qui sévit dans le nord-est du pays, pillant, brulant, violant et tuant tout ce qui se trouve sur son passage. Pourtant, le Nigéria est bel et bien le premier acteur de toute la région, tant sur le plan économique que diplomatique. C’est un géant, mais un géant aux multiples fragilités.
Un acteur clé de la région
Le Nigéria est un géant africain : le pays, d’une superficie de 924 000 kilomètres carrés, est peuplé d’environ 160 millions d’habitants, pour un PIB de 521 milliards de dollars en 2013, le plus élevé du continent, en hausse de 12% par rapport à l’année 2012.
Cela s’explique d’abord par la richesse du pays en hydrocarbures, dont l’exploitation ne cesse d’augmenter, notamment le long du delta du Niger mais également au large des côtes du pays. Le Nigéria est ainsi le sixième exportateur mondial de pétrole, et par ailleurs membre de l’OPEP (organisation des pays exportateurs de pétrole). Cette rente a contribué à la constitution d’un réseau bancaire développé, qui constitue un outil essentiel pour le développement futur du pays, et notamment une source de financement pour ses infrastructures publiques.
Le pays est également un partenaire incontournable pour les autres Etats de la région, ne serait-ce que par sa position géographique ou son peuplement. Sur le plan politique, le Nigéria est notamment membre de la CEDEAO (communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest), à laquelle il fournit des hydrocarbures. C’est aussi l’un des cinq pays fondateurs du NEPAD (New economic project for the African development), dans le cadre duquel la création d’un gazoduc alimentant le Golfe de Guinée depuis le Nigéria, mais aussi celle d’un Oléoduc reliant Harcourt à Alger, ont été décidées. Par ailleurs, le Nigéria est membre de la Commission du Bassin du Lac Tchad.
Mais un pays rongé par les inégalités et la corruption
Si la croissance du PIB nigérian impressionne, grâce à l’augmentation des revenus du pétrole, cela masque l’absence de redistribution satisfaisante de ces revenus, dont la majorité de la population ne profite pas. Ainsi, le pays pointe à la 158e place mondiale pour son IDH (Indice de développement humain). Ainsi, de nombreux bidonvilles subsistent aux portes mêmes des nouveaux quartiers d’affaires qui se développent, notamment à Lagos. À titre d’exemple, en 2009, l’espérance de vie dans le pays n’était que de 51 ans, et le taux d’alphabétisation de 60%.
La rente pétrolière est en grande partie captée par une élite vivant dans le luxe, cette rente étant bien souvent utilisée pour corrompre l’appareil d’Etat, et ce à tous les niveaux. L’indice de perception de la corruption établi par Transparency International place, en 2014, le pays à la 136e place sur 175 en termes de corruption.
Cette corruption explique d’ailleurs en partie les difficultés actuelles de l’armée à mettre fin aux agissements de Boko Haram dans le nord-est du pays. Car si le budget de l’armée nigériane s’élève théoriquement à 2 milliards de dollars chaque année, elle demeure en réalité largement sous-formée et sous-équipée en raison des nombreuses déperditions d’argent, et ce à toutes les échelles, en raison de la corruption.
De nombreuses tensions ethniques
L’autre grande difficulté à laquelle le pays doit faire face est la montée des tensions ethniques. Le pays est un Etat fédéral multiethnique, composé de religions différentes qui ont du mal à cohabiter en paix. De nombreux nigérians se sentent d’abord membres d’une ethnie, ce qui explique la faiblesse de l’autorité des administrations locales, et prive l’Etat central d’une réelle assise dans le pays. Ces tensions ethniques et religieuses ont fait en 2011 plus de dix-mille morts. Or, l’arrivée au pouvoir du président Godluck Jonathan, en 2011, n’a pas arrangé la situation, puisque il a d’abord multiplié les lois protégeant les chrétiens, au détriment des musulmans.
Or, c’est justement sur ces tensions ethniques et sur la faiblesse de l’Etat central que peut prospérer une organisation comme Boko Haram, d’abord mouvement ethnique et mafieux bien que se revendiquant du fait religieux.