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Rétrospective 2015 : Iran, le retour du banni ?

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L’Iran n’en finit pas de revenir sur la scène internationale. Après les bases d’un accord signées le 24 novembre 2013 pour arrêter le programme nucléaire iranien, l’année 2014 n’a pas été très fructueuse en termes de décisions majeures. Le monde attendait beaucoup de l’élection d’Hassan Rohani en 2013 mais ce dernier prend le temps d’analyser la situation et ne provoque pas de grands revirements diplomatiques immédiats. C’est finalement en 2015 que l’Iran a pu sérieusement anticiper son désenclavement. Mais la suspension de la pression diplomatique et économique sur l’Iran ne se fait pas sans accros.

Le secrétaire d'Etat américain John Kerry serre la main du ministre iranien des affaires étrangères  Mohammad Javad Zarif au sommet de Genève le 14 janvier 2015. J
Le secrétaire d’Etat américain John Kerry serre la main du ministre iranien des affaires étrangères Mohammad Javad Zarif au sommet de Genève le 14 janvier 2015. J

L’événement central de cette année 2015 pour le Moyen-Orient a bien sûr été la signature à Vienne le 14 juillet d’un accord entre l’Iran et les autres nations du monde. Limitation des capacités d’enrichissement de l’uranium, limitation du matériel et des réserves, et inspections de l’AIEA, tout est en place pour mettre sur les rails l’événement de 2016 que doivent être les levées progressives des sanctions. Sur ce plan la France s’est placée comme un interlocuteur pointilleux et inflexible. L’hexagone a été plus difficile pour Téhéran à convaincre que Washington, en partie aussi parce que l’administration Obama avait absolument besoin que cet accord aboutisse au moment annoncé, mais aussi parce que cela permettait à la France de renforcer son alliance avec les puissances sunnites de la région. Les entreprises françaises n’ont pas attendu la signature de l’accord pour se placer sur ce futur marché et Laurent Fabius s’est ainsi rendu en Iran début août pour jouer les commerciaux et placer les intérêts hexagonaux sur la ligne de départ en attendant la levée effective des sanctions.

Mais si le retour annoncé de l’Iran sur la scène internationale peut correspondre aux objectifs occidentaux, il a plutôt tendance à crisper les autres puissances régionales. En particulier l’Arabie Saoudite et les pétromonarchies sunnites qui ont financé des organisations terroristes dans la région pour empêcher que l’Iran ne se déploie mais qui échouent à contenir Téhéran qui utilise ces mêmes méthodes contre eux : l’enlisement de la situation au Yémen après l’intervention saoudienne en est l’exemple type. La Turquie est aussi contrariée de ce retour : d’abord parce qu’il contredit son projet de nouvelle Constantinople qui était censé remettre la Turquie au centre du jeu régional mais aussi parce que l’Iran souhaite conforter Assad alors qu’Ankara souhaite le voir partir et être remplacé par des alliés idéologiques.

La formalisation du retour de l’Iran au premier plan de la diplomatie mondiale s’est donc effectuée non sans opposition et doutes mais elle lui permet aussi d’envisager un futur développement économique et énergétique original et ainsi de faire changer le jeu des alliances.

Ainsi, au niveau énergétique l’Iran met de plus en plus l’accent sur l’énergie photovoltaïque et sur le plan stratégique Téhéran se révèle plus changeant qu’on pourrait le penser. La Russie en fait les frais : elle qui voulait construire une alternative aux politiques occidentales et qui avait besoin de soutien face aux sanctions de ces mêmes puissances. Le seul point d’accord entre les deux puissances, qui forment une alliance simplement en apparence, est la préservation du régime d’Assad. Sur le reste les deux pays sont en concurrence et notamment sur les questions stratégiques de production et d’acheminement des hydrocarbures vers la méditerranée. Enfin l’Iran pourrait voir échouer cette ouverture si le congrès américain, hostile à l’administration Obama qui a négocié l’accord, refuse de le voter : un élément que Téhéran ne maîtrise pas et qui peut sérieusement l’handicaper. Ceci est d’autant plus vrai que le pays n’a pas fait taire les voix extrémistes qui continuent de lâcher des déclarations tonitruantes et agressives et que le pays mène des opérations sous couverture qui enveniment les conflits dans toute la région.

L’Iran n’est donc pas parvenu, en 2015, à se défaire de son image de partenaire « risqué », même si dans le même temps le pays a pu consolider une alliance de circonstance avec la Russie contre les puissances sunnites de la région et c’était là son objectif. L’année 2016 sera celle de la gestion de la levée des sanctions et devrait donc inciter l’Iran à chercher des partenaires économiques chinois et occidentaux.

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