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Les fragiles institutions judiciaires de la Centrafrique

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Un climat d’impunité règne en Centrafrique. Aux conflits armés ont succédé l’instabilité politique, les tensions ethniques et religieuses, tandis que règne toujours une pauvreté latente. Profitant du chaos ambiant, les groupes armés et les milices ont proliféré et se sont étendus. Leur objectif est de contrôler le territoire et les ressources dont il regorge. Le sous-sol centrafricain est en effet riche en ressources minières, uranium et pétrole. Les diamants sont notamment vendus à l’étranger grâce à la contrebande, qui permet de financer les groupes armés.

Marche pacifique à Bangui pour dénoncer la montée des violences en Centrafrique

Alors que le système judiciaire centrafricain peine à juger les crimes commis sur le territoire national, des vagues de violence extrême planent sur le pays, complètement divisé et en proie à de graves violations des droits humains.

Des institutions judiciaires limitées

De nombreuses exactions ont été commises depuis le début du conflit centrafricain et les atteintes au droit international sont récurrentes. Si la Cour pénale internationale enquête sur ces crimes, de nombreux responsables ne sont toujours pas jugés. Parmi eux, on trouve des commandants de l’ex-Séléka et des anti-Balaka, mais également des miliciens impliqués dans des groupes armés.

Le contexte politique et sécuritaire du pays ne permet pas d’appliquer une justice transitionnelle efficace. Le fonctionnement des institutions judiciaires est limité, notamment en dehors de Bangui, la capitale centrafricaine. Les groupes armés sont en effet toujours présents dans la majeure partie du pays, limitant le pouvoir des institutions étatiques. Le monopole de la force,  nécessaire pour établir une justice pérenne, est entre les mains de nombreux acteurs non gouvernementaux et plus uniquement de l’État. Les territoires contrôlés par les miliciens ne permettent pas de déployer les services publics dans ces zones, ce qui empêche l’instauration  d’un dialogue entre les victimes et les enquêteurs.

Des phases du conflit ont pourtant abouti à des processus de paix succincts, mais les responsables n’étant toujours pas jugés, ces efforts restent vains et les actes de violence infinis.

C’est donc tout le système judiciaire centrafricain qui doit évoluer afin de répondre efficacement à la situation politico-sécuritaire du pays.

C’est pourquoi il est nécessaire que les tribunaux, les forces de police mais également les prisons soient restructurés. Seulement l’État centrafricain peine à répondre à ces exigences, par manque de moyens. Le renforcement de l’appareil judiciaire est estimé à 105 millions de dollars. Le budget de la justice ne représente pourtant que 2% de celui de l’État, et est principalement alloué aux fonctionnaires.

La Cour pénale spéciale est-elle vraiment efficace ?

La Cour pénale spéciale (CPS) centrafricaine est un tribunal hybride, qui inclut la collaboration entre des magistrats centrafricains et internationaux. Sa mission est d’enquêter et de juger les crimes les plus importants commis depuis le 1er janvier 2003. La juridiction doit ainsi entamer des poursuites sur toutes les violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire perpétrées en République centrafricaine.  Ces exactions concernent surtout des tueries, des violences sexuelles, des pillages, des tortures et l’enrôlement d’enfants-soldat.

Cette Cour, créée en juin 2015 est une juridiction intégrée dans le système judiciaire national pour une durée de cinq ans. Le président Faustin-Archange Touadera a désigné Toussaint Muntazini Mukimapa comme procureur de la CPS .

La Cour pénale spéciale doit également permettre d’établir si les crimes perpétrés par les Sélékas contre les non-musulmans et par les anti-Balakas contre les musulmans ne constituent pas un début de génocide, selon l’article 6a du Statut de Rome. Ce dernier définit le génocide selon ces termes : « l’intention de détruire, en tout en en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».

Seulement, l’efficacité de la Cour est remise en question. Le manque de moyens financiers a fortement ralenti son processus de création. Soucieux de mettre en place des mesures immédiates, le Conseil de sécurité des Nations-Unies a alors mandaté la MINUSCA (Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation des nations-Unies en Centrafrique) afin qu’elle fournisse une assistance technique pour la mise en place de la Cour pénale spéciale.

Désormais dotée de ressources financières et d’un procureur, la Cour peine à s’établir et les personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes de guerre échappent toujours aux enquêtes et aux arrestations. 

La CPS, qui devrait être opérationnelle en octobre, sera en mesure de consolider la justice centrafricaine grâce à son impartialité et son indépendance. Elle engendre déjà de grandes attentes de la part de la société civile, favorable au dialogue et à la reconstruction, qu’elle ne pourra obtenir que lorsque justice sera faite. 

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