Elections en Centrafrique : vers une stabilisation du pays ?
Le 30 décembre 2015, près de deux millions d’électeurs centrafricains étaient appelés aux urnes pour les élections législative et présidentielle. Après le constat de défaillances, le scrutin législatif a été annulé. C’est donc une double élection décisive qui s’est déroulée le dimanche 14 février : le second tour de l’élection présidentielle et le premier tour des législatives. La pacification et le redressement économique du pays semblent désormais passer par le bon déroulement de cette première étape démocratique.
Ces élections interviennent alors que le pays était en proie à une guerre civile qui a vu s’affronter l’ancien président Bozizé écarté du pouvoir, la coalition de rebelles à domination musulmane « Séléka » et les milices de défense appelées « anti-balaka ». Le renversement de François Bozizé par la Sékéla avait conduit le pays dans une spirale de violences intercommunautaires, de massacres de grande ampleur et au déplacement de centaines de milliers de civils. Depuis l’accord de Libreville en 2013 et l’intervention conjointe de l’ONU, à travers la mission Minusca, et de la France, par l’opération militaire Sangaris, le pays est dans une phase de transition. Cette période a vu notamment Catherine Samba-Panza, être élue présidente de la transition pendant près de deux ans, ce qui constitue une première pour une femme en Centrafrique.
Des élections encadrées et sans débordement
A l’issue des élections de dimanche, le successeur de Catherine Samba-Panza sera soit Anicet George Dologuelé, soit Faustin Archange Touadéra, les deux candidats du second tour, dont les résultats ne devraient pas être connus avant plusieurs jours voire plusieurs semaines. En revanche, en ce qui concerne les législatives, un second tour est prévu pour les circonscriptions dans lesquelles aucun candidat n’aura atteint la majorité absolue. Dimanche, aucun incident n’a été déploré et un commandant de l’ex-Séléka (l’organisation a été dissoute en 2014) a même confié avoir donné des consignes pour soutenir le processus : « Nous avons aussi besoin des autorités légitimes pour discuter avec elles de notre avenir ». Pour éviter de nouvelles défaillances, l’Autorité nationale des élections a mis en place une formation de 48 heures pour les agents des bureaux de vote et a remplacé dans les bureaux où il y a eu le plus de problèmes, plusieurs centaines d’agents. La présidente de la transition Catherine Samba Panza a invité chaque électeur à ne pas rester « autour des bureaux de vote pour créer une certaine tension », un appel écouté puisqu’aucun coup de feu n’a été entendu dans les quartiers les plus instables de Bangui, la capitale.
Les deux candidats ont un profil quelque peu différent mais ont tenu des promesses similaires autour d’axes majeurs évidents : sécurité, justice et relance de l’économie. Candidat pour la première fois à des élections, Anicet-Georges Dologuélé est arrivé en tête le 30 décembre 2015, à l’issue du premier tour, avec 23,78 % des voix, bénéficiant notamment du soutien de poids du Kwa Na Kna (KNK), le parti de l’ex-président François Bozizé, lui-même interdit de scrutin. Avec une formation d’économiste, il est reconnu pour sa gestion rigoureuse des affaires, notamment lors de son mandat de Premier ministre d’Ange-Félix Patassé, entre 1999 et 2001. Passé par la présidence de la Banque de développement des États de l’Afrique centrale de 2001 à 2010, il est revenu en Centrafrique avec l’objectif de lutter contre l’« extrême pauvreté » et « attirer le secteur privé » afin de créer des emplois. Le second candidat, Faustin-Archange Touadéra, dernier Premier ministre de Bozizé entre 2008 et 2013, est arrivé deuxième avec 19,42 % des voix. Il a pu compter pour sa part sur le soutien de 21 des 30 candidats présents au premier tour. Universitaire diplômé des universités de Lille 1 et Yaoundé en mathématiques, Touadéra n’a jamais arrêté d’enseigner, y compris pendant sa primature, ce qui lui a valu une réputation d’homme proche du peuple.
Alors que le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a annoncé le dimanche 31 janvier qu’il souhaitait mettre fin à l’opération militaire Sangaris dans le courant de l’année 2016, l’équilibre apaisé en Centrafrique reste précaire. La dégradation sécuritaire a engendré une profonde désorganisation de l’économie nationale dans tous les secteurs. En outre, l’effondrement des recettes douanières et fiscales du pays a rendu vitaux les soutiens des partenaires africains et internationaux de la République centrafricaine. Enfin, la faible participation électorale de dimanche dernier a limité l’enthousiasme des observateurs. « Lorsque l’abstention ou la démobilisation des électeurs s’en mêle, c’est l’espoir de la renaissance politique qui est mis à rude épreuve » pouvait-on lire lundi dans FasoZine, grand journal burkinabé.