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Le développement stratégique de la Turquie en Afghanistan

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La Turquie considère sa présence en Afghanistan, dans le cadre de la Mission de soutien résolu dirigée par l’OTAN, comme un « devoir de fraternité » envers le peuple afghan, plongé dans un conflit qui ravage le pays depuis de nombreuses années. La politique étrangère de la Turquie à l’égard de l’Afghanistan repose sur quatre piliers : le maintien de l’unité et de l’intégrité de l’Afghanistan, la sécurité et la stabilité du pays, le renforcement d’une structure politique élargie et enfin le rétablissement de la paix en mettant un terme au terrorisme. Le président turc souhaite renforcer sa position au sein de l’OTAN, tout en développant son influence dans le monde musulman.

L’alliance pakistanaise

Alors que la Turquie tente d’imposer son leadership à ses voisins proches, sa stratégie s’étire jusqu’en Asie centrale, et plus particulièrement en Afghanistan et au Pakistan.

Les initiatives de la Turquie sont principalement axées sur l’amélioration des relations bilatérales entre Kaboul et Islamabad. Cette médiation tient au fait que la Turquie entretient de bonnes relations avec les deux pays. Le gouvernement turc a organisé un certain nombre de conférences et de réunions entre les dirigeants afghans et pakistanais, les exhortant à résoudre leurs différends concernant la ligne Durand (1), les réfugiés afghans ou encore la question relative aux talibans. Lors d’une réunion en marge de l’Assemblée générale des Nations-Unies en septembre 2017, le Premier ministre pakistanais Shahid Abbasi et le président turc Recep Tayyip Erdogan se seraient mis d’accord sur la relance du processus trilatéral Pakistan-Afghanistan-Turquie. La Turquie semble être en tête de liste des partenaires stratégiques pour le Pakistan, d’autant plus que les relations du pays tendent à se cristalliser avec les États-Unis. Donald Trump a, en effet, accusé le Pakistan de jouer un double jeu en Afghanistan et d’abriter sur son sol des « agents du chaos ». Le secrétaire d’État américain Rex Tillerson s’est rendu cette semaine au Pakistan, afin de convaincre le pays de lutter plus activement contre les groupes insurgés actifs sur le territoire pakistanais et le territoire afghan. L’ébranlement des relations américano-pakistanaises a poussé le Pakistan à se rapprocher un peu plus de la Chine et de la Russie. Les deux puissances ont pris position pour Islamabad et se sont opposées à la stratégie de Donald Trump en Afghanistan. Le Pakistan a ainsi réussi un tour de force diplomatique : la nation asiatique a obtenu le soutien des deux pays ayant un droit de veto à l’ONU. Ceux-ci ont en effet assurés au Pakistan qu’ils useront de leur veto si jamais les États-Unis tentent d’imposer des sanctions au pays. Une stratégie d’alliance implicite, impliquant la Russie, la Turquie, la Chine le Pakistan mais également l’Iran est ainsi mise en place afin de contrer l’influence américaine dans la résolution du conflit afghan.

De son côté, le gouvernement turc reconnaît l’influence décisive que le Pakistan pourrait exercer dans les affaires intérieures afghanes, tout en partageant l’idée qu’une solution militaire ne peut parvenir à un processus d’apaisement et de reconstruction.

Des relations historiques entre Ankara et Kaboul

Les relations entre les deux capitales remontent à l’Empire ottoman. L’Afghanistan a établi des relations diplomatiques avec la Turquie rapidement après son indépendance, en 1919. En signant le traité d’amitié de 1921, l’Afghanistan devint le second pays à reconnaître les frontières turques, après l’Union Soviétique. La Turquie a joué un rôle important, entre 1920 et 1960, dans le développement de structures étatiques modernes et d’institutions publiques afghanes. Elle a également apporté son soutien à divers domaines, tels que celui de l’administration, de l’armée, de la culture, de l’éducation et de la santé. 

Le président afghan, Ashraf Ghani

Les relations qu’entretiennent ces deux pays tiennent aussi à l’intérêt stratégique que porte la Turquie à l’Afghanistan, notamment en termes sécuritaires. L’instabilité du pays est une menace pour l’équilibre de la région, et donc pour la sécurité de la Turquie.

Une contribution globale

La Turquie apporte une contribution globale à l’Afghanistan, tant grâce aux relations bilatérales partagées, que grâce à sa participation au sein de l’OTAN. La Turquie est d’ailleurs le seul pays membre de l’organisation n’ayant pas réduit le nombre de ses troupes en Afghanistan après la fin de la mission de la Force internationale d’assistance à la sécurité  en 2014. Au contraire, le pays a renforcé sa présence militaire au sein de la mission d’entraînement. Les troupes turques ont ainsi assuré la sécurité dans leur zone de responsabilité, fournissant une assistance logistique et formant le personnel de sécurité afghan.

L’engagement de la Turquie en Afghanistan depuis 2011 s’est essentiellement développé au sein du domaine militaire, mais l’ambition du gouvernement turc est également perceptible sur le front politique. La Turquie s’intéresse à la politique intérieure afghane, et a établi des liens avec certains groupes politiques et personnalités afghanes. C’est notamment le cas avec le vice-président Abdul Raschid Dostum. Ancien chef de guerre ouzbek, Dostum est une figure controversée en Afghanistan. L’implication de la Turquie au sein des affaires internes afghanes est apparue lorsque celui-ci fut impliqué dans une affaire d’abus sexuel et un scandale de torture politique. La Turquie a joué un rôle de médiateur dans cette affaire, et  Dostum a trouvé asile au sein du territoire national turc. Cette histoire met en lumière l’influence de la Turquie au sein de la politique afghane et le rôle que le pays pourrait jouer concernant la sortie du conflit et la pacification du pays.

(1) : La ligne Durand est une frontière artificielle tracée en 1893 par les anglais, au termes d’un accord avec l’émir d’Afghanistan. Elle fut admise en 1947 comme la frontière séparant le Pakistan et l’Afghanistan. Elle scinde le territoire des Pachtouns, qui ne la reconnaissent pas.

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