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Paul Kagamé à l’Union africaine, l’ère de la réforme?

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Les autorités africaines étaient réunies à Addis Abeba du 22 au 29 janvier derniers à l’occasion du 30ème sommet annuel de l’Union africaine (UA). Lors de cette rencontre en présence du Secrétaire général de l’ONU, des autorités africaines et des représentants étrangers auprès de l’Union africaine, le président rwandais Paul Kagamé a pris la tête de l’organisation pour 2018.

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Paul Kagamé, président de l’UA.

Des défis majeurs

Crée en 2002, l’Union africaine présente un projet panafricain ambitieux de coopération, de développement, de paix et de démocratie. Pour autant, les crises qui persistent sur le continent viennent ternir ces perspectives. Aujourd’hui, l’Afrique doit faire face à des défis sécuritaires, économiques mais aussi sanitaires et alimentaires. En 2016, les groupes terroristes auraient fait environ 18000 victimes en Afrique. Ces violences entrainent également des migrations internes, véritables défis pour certains pays africains. On trouve en Afrique parmi les plus grands centres de réfugiés comme celui de Dadaab, au Kenya qui accueille en 2018 près de 234 346 personnes (UNHCR). Le continent doit également faire face à de multiples crises sanitaires et alimentaires. Selon l’ONU, en 2017 près de 20 millions de personnes étaient menacées par la famine dans le monde, dans une grande majorité en Afrique.

Le 30ème sommet de l’Union africaine s’est donc tenu dans un contexte complexe. Face à ces enjeux, l’UA souhaite se réformer. Sujet phare du 29ème sommet de l’Union, le projet de réforme de l’organisation a été porté dès 2016 par Paul Kagamé, chargé de proposer des solutions visant à la rendre plus efficace. 

L’Union africaine sous l’ère Kagamé

Nouvellement nommé président de l’UA, le chef de file de la réforme entend mener à bien son projet. Dans son rapport de 2017 intitulé « L’impératif de renforcer notre union », le président rwandais avait énoncé ses grandes priorités de réformes: la paix et la sécurité, l’intégration économique et la souveraineté financière sur l’organisation permettant l’indépendance politique. 

Le 30ème sommet de l’Union a donc été l’occasion pour le nouveau président de débuter ces grands chantiers avec l’annonce de la création d’un marché unique et libéralisé pour le transport aérien (SAATM) qui permettra de faciliter les connexions aériennes intercontinentales. Autre projet phare: l’Accord relatif à la Zone de libre-échange continentale (ZLEC), une initiative pour la mise en place d’une union douanière africaine. Enfin, le choix de la lutte contre la corruption comme thématique principale de ce sommet apparait à contre-courant des positions de certaines élites politiques et témoigne de cet élan réformateur.

Pourtant le style du nouveau président de l’UA reste discuté. Les méfiances grandissent face à la « méthode Kagamé » perçue comme autoritaire et éloignée de l’idée centrale du consensus sur lequel s’est construite l’UA. Le vent de réforme que le président rwandais souhaite insuffler à l’organisation ne fait pas l’unanimité. Il devra faire face à des détracteurs en interne notamment sur la question du financement de l’organisation. Elle constitue un premier défi majeur pour le président de l’Union.

 La souveraineté financière en question

L’Union africaine est encore très dépendante des financements étrangers. En 2017, les États membres de l’Union l’ont financée à hauteur de 14 %. Dès l’ouverture de la conférence, les chefs d’Etat africains se sont donc retrouvés à huis clos pour évoquer cette question clivante. Depuis 2016, les Etats sont censés mettre en place un financement global de l’organisation en taxant certains produits importés sur le continent à hauteur de 2%. Cette taxe est décriée par certains Etats dépendants des importations et ouverts sur le commerce international comme l’Afrique du Sud. Parmi les réticents on retrouve également l’Egypte. Or, si la réélection de Abdel Fatah Al Sissi à la tête de l’Egypte se confirme, c’est l’actuel président égyptien prendra la suite de Paul Kagamé à l’Union africaine.

Les déclarations récentes de Donald Trump sur les pays africains ont constitué un sujet de tension supplémentaire. Lors d’une interview début janvier, le président américain qualifiait de « pays de merde » les pays africains, suscitant un tollé international et le choc des chefs d’Etat africains. L’UA a dénoncé un « message de mépris et de haine »(1) de Donald Trump et s’est dite inquiète quant au futur du multilatéralisme dans ce contexte. Un autre scandale est venu perturber le sommet. Une enquête parue dans Le Monde (2) affirme que le siège de l’UA à Addis-Abeba aurait été espionné par Pékin. Le bâtiment avait été financé et construit par la Chine. Il aurait été utilisé à des fins d’espionnages et les communications internes détournées. Peu commentées durant le sommet, ces allégations ont été rejetées par les autorités chinoises puis le Président de la Commission de l’UA. Il a à son tour démentit l’affaire en évoquant des relations sino-africaines « inébranlables ». La Chine est en effet devenu un acteur économique incontournable sur le continent africain.

Le 30ème sommet de l’Union africaine marque le début d’une année 2018 qui s’annonce mouvementée pour l’UA: les réformes envisagées constituent une profonde transformation pour l’organisation. Dans le même temps, le continent doit également faire face à des crises multiples et aux dissensions internes. Ces dernières risquent de freiner les changements exigés par le nouveau président Paul Kagamé.

 

(1) Discours du Président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, 25 janvier 2018

(2) Le Monde,  » A Addis-Abeba, le siege de l’Union africiane espionne par Pekin », 26 janvier 2018

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