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Téhéran / Washington : le risque de l’embrasement (2/3)

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Un an après le retrait des États-Unis du Plan d’action global conjoint (JCPOA), la relation conflictuelle entre Washington et Téhéran emprunte depuis le début du mois de mai un tournant périlleux. La pression croissante exercée par l’administration Trump sur l’Iran s’est transformée en une impasse prévisible et tendue. Si les dirigeants des deux pays disent ne pas vouloir de conflit, leur rhétorique, leurs menaces et leurs actions laissent craindre un embrasement dans le Golfe Persique. Pris entre le marteau et l’enclume, les Européens ont bien du mal à réagir avec efficacité.

Carte du Golfe Persique, avec Téhéran
Face à la montée des tensions entre Washington et Téhéran, le risque d’embrasement dans le Golfe Persique est élevé

« Un signe d’espoir pour le monde entier », tels étaient les mots de Federica Mogherini qualifiant l’accord de Vienne le 14 juillet 2015. La haute-représentante pour la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union Européenne montrait ainsi toute l’importance de la signature du JCPOA, applaudie par la communauté internationale et promue comme une victoire de la diplomatie multilatérale. Quatre ans plus tard, la pérennité de l’accord n’est plus assurée. La fin du JCPOA laisse craindre un embrasement dans une zone géographique instable, fracturée par les crises et les guerres.

Risque d’embrasement dans le Golfe Persique

Depuis quelques jours, les tensions entre Washington et Téhéran ont redoublé d’intensité, même si Mike Pompeo a réfuté mardi toute volonté de guerre avec l’Iran. Lui faisant écho, l’ayatollah Ali Khamenei a affirmé qu’il n’y aurait pas de guerre avec les États-Unis. Pourtant, le ministre des affaires étrangères britannique Jeremy Hunt s’est dit inquiet d’un risque de conflit « par accident ». Pour Ali Vaez, responsable Iran de l’ONG International Crisis Group, « le risque d’affrontement est extrêmement élevé. Il y a tellement de frictions entre l’Iran et les États-Unis dans la région que, même par inadvertance, un affrontement pourrait avoir lieu ».

Les facteurs de risques sont en effet nombreux entre les États-Unis et l’Iran, alors qu’il n’y a ni canal de communication ni plan de sortie de crise entre les deux pays. La promesse américaine d’une réponse « implacable à toute attaque contre les intérêts des États-Unis ou de (leurs) alliés » va dans ce sens. À ce titre, John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale du président américain Donald Trump, prône une attaque préventive contre l’Iran depuis des années avec l’objectif de détruire son système de défense antiaérienne et ses installations de recherche nucléaire, bien que leur activité pacifique ait été garantie par l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA).

Danger pour la non-prolifération

L’embrasement pourrait également venir d’un allié ou d’acteurs non-étatiques, comme l’attaque de la milice Houthi contre les plateformes pétrolières saoudiennes. La région est particulièrement instable, entre la rivalité de l’Iran avec l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis, le Qatar sous blocus, la guerre au Yémen ou encore la présence d’Israël. Des enjeux économiques se concentrent également autour du détroit d’Ormuz. Ce n’est pas la première fois que l’Iran menace de bloquer ce détroit. Porte d’entrée du Golfe Persique entre l’Iran et Oman, il est un passage stratégique sous haute tension. Il constitue une voie commerciale essentielle du trafic international. Plus du tiers du commerce mondial de pétrole et 18% des exportations de gaz naturel y transitent. C’est aussi l’une des régions les plus militarisées au monde.

Le potentiel effondrement de l’accord est une menace pour le régime de non-prolifération nucléaire et le multilatéralisme. Le retrait des États-Unis en mai 2018 a dynamité le système multilatéral, tout comme un principe fondamental du droit international, le “pacta sunt servanda”, qui impose l’exécution des traités. Si le JCPOA n’a pas valeur de traité, il est devenu juridiquement contraignant pour les États signataires. Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a en effet endossé ses dispositions à travers la résolution 2231 du 20 juillet 2015. De plus, l’Iran a déclaré que l’abandon du Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) pourrait être une option si les signataires du traité ne respectaient pas son ultimatum. Si l’Iran se dirigeait vers la nucléarisation, cela entraînerait un effet domino dans la région. Les puissances concurrentes – l’Arabie Saoudite, la Turquie, l’Égypte – pourraient lancer leurs propres programmes nucléaires militaires.

Les réactions chinoises et russes

La Chine, principal client iranien du pétrole, a appelé toutes les parties à la retenue. Elle a cependant critiqué la nouvelle vague de sanctions américaines et juge les États-Unis responsables des tensions actuelles. Un porte-parole du ministère des affaires étrangères a réitéré le soutien de la Chine à l’accord. Il a félicité l’Iran pour sa décision de rester dans l’accord. « Maintenir et appliquer l’accord est de la responsabilité de toutes les parties », a déclaré Geng Shuang. Néanmoins, la Chine semble avoir réduit ses importations de pétrole iranien depuis la levée des exemptions américaines. Pékin est engagée dans sa propre bataille commerciale avec les États-Unis. Les investissements chinois en Iran sont à l’arrêt, comme le projet de reprise du champ gazier de South Pars.

Lors du déplacement de Mike Pompeo à Sotchi, la Russie a rappelé qu’elle était favorable à un maintien du JCPOA. Moscou avait déjà signifié son intention de ne pas respecter les sanctions imposées par les États-Unis à Téhéran. En décembre 2018, l’Union économique eurasienne, dirigée par la Russie, avait signé un accord de libre-échange avec l’Iran. Le commerce entre la Russie et l’Iran n’est cependant pas assez important pour compenser les pertes subies par Téhéran. La Russie n’importe pas de pétrole iranien.

Sergueï Lavrov, haut-diplomate russe, s’est plaint de la « situation inacceptable » créée par le « comportement irresponsable des États-Unis ». Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a quant à lui mis en garde les États-Unis. Pour lui, « une politique de pression maximale conduit à pousser un pays dans ses retranchements et […] cela ne donne jamais de résultats. Cela n’encourage pas un pays à se montrer conciliant ». Accusant les États-Unis de provoquer l’Iran, la Russie a exhorté les Européens à agir.

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Solène VIZIER

Solène Vizier est diplômée d’un Master 2 Etudes Stratégiques. Passionnée de géopolitique, ses domaines de spécialisation concernent les mondes hispanophone et russophone, le désarmement nucléaire et la géopolitique du sport. Elle est rédactrice aux Yeux du Monde depuis avril 2019.

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