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Argentine, l’éternel retour ?

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Les Argentins ont tendance à dire : « L’Argentine, c’est un drôle de pays : on le quitte 20 jours tout a changé, on y revient après 20 ans, rien n’a changé ».  Crises économiques et péronisme reviennent sans cesse. Pourquoi ? Quels liens pouvons-nous établir ? 

Le péronisme de retour en Argentine ? 

Macri, président de l'Argentine
Mauricio Macri, l’actuel président de l’Argentine

Les primaires d’août 2019 rendent très probable le retour des péronistes aux commandes de l’exécutif argentin. Les PASO (Primaires Ouvertes Simultanées et Obligatoires) ont consacré la victoire des péronistes du Frente de Todos face au président en fonction Mauricio Macri (Cambiemos). En effet, le duo “Fernandez-Fernandez”, avec Fernandez Pichetto à la présidence et l’ex-présidente Cristina Fernandez de Kirchner en colistière, a obtenu 47% des voix. Macri n’a récolté que 32% des voix.

Ces primaires ne constituent pas un résultat définitif. Seulement, cette année, leur paramétrage [1] en a fait un véritable sondage dont l’échantillon correspond à … l’ensemble de la population argentine. Si les résultats se reproduisaient à l’identique aux élections d’octobre 2019, le Frente de Todos remporterait la présidence dès le premier tour [2], portant alors une nouvelle fois les péronistes au pouvoir en Argentine.

Dégâts du “macrismo” 

Macri doit cette cuisante défaite à un fort mécontentement social. Ce dernier a été alimenté par les politiques d’austérité menées en bon élève du FMIAncien homme d’affaire, libéral convaincu et chantre du consensus de Washington, Macri obtient en 2018 le plus important prêt jamais consenti par le FMI (57 milliards de dollars).

Il veut changer le modèle protectionniste argentin (taxes à l’importation, contrôle des changes, administration des prix de l’eau, du gaz, de l’électricité et exportations agroalimentaires massives). Il ouvre l’économie, coupe les subventions, espérant attirer les investisseurs. La libéralisation est sûrement trop brutale. L’inflation revient en flèche (55% sur les 12 derniers mois) et la population argentine est étouffée. Les salaires baissent, le chômage dépasse les 10%. Un tiers de la population vit désormais sous le seuil de la pauvreté.

Panique sur les marchés

Comme si la situation n’était pas suffisamment dramatique, la claque des PASO a porté un coup supplémentaire à l’économie. C’est la panique sur les marchés à la divulgation des résultats. Le peso s’effondre, la bourse (indice Merval) perd 45 points, le risque-pays explose. “Aujourd’hui, nous sommes plus pauvres qu’avant les PASO” déclare Macri à la presse. C’est la crainte d’un défaut de paiement qui inspire cet affolement des marchés. Cette crainte est justifiée.

Car l’histoire économique argentine vit une sorte “d’éternel retour” presque ubuesque tant il est fréquent. Le pays compte déjà à son actif 8 défauts de paiement et 21 demandes d’aide au FMI. La crise économique est pourrait-on dire “monnaie courante” : 1989, 1998, 2001, 2015 et maintenant 2019. L’inflation est devenue un problème structurel. Les Argentins, rendus méfiants par l’habitude, changent leurs pesos en dollars, stockent ces dollars, et la monnaie ne circule pas normalement. Finalement les crises s’enchaînent, irrémédiablement, tel un terrible leitmotiv économique. Mais pourquoi l’histoire politico-économique semble tourner sur elle-même, se répétant inlassablement ? 

Mécanisme 

Crise économique et instabilité politique forment en Argentine un cercle vicieux. En effet, Macri s’apprête à devenir le premier président non-péroniste à arriver au terme de son mandat depuis la fin de la dictature en 1983 [3].

Grosso modo, le péronisme parvient à récupérer le pouvoir “grâce” aux crises économiques. Les péronistes ont un discours de protection du peuple et de justice sociale. Ils mettent en place une politique dirigiste, quasi-clientéliste, de relance à court-terme. Ils marquent positivement les esprits, et gardent ainsi une base électorale forte, malgré les innombrables scandales de corruption. La relance à court-terme ne tient pas longtemps, mais cela devient un problème de fin de mandat. On appelle alors un candidat de l’opposition, qui hérite d’une crise larvée, et ainsi de suite.

Conclusion 

Les PASO illustrent l’hyperpolarisation de la scène politique argentine, scindée entre péronistes (voire kirchnéristes) et anti-péronistes. Elles soulignent aussi que les préoccupations économiques sont au cœur des choix de l’électorat, et que ce dernier est encore dans une logique de vote d’opposition semblable au “Que se vayan todos” (qu’ils s’en aillent tous) du Cacerolazo de 2001. L’éternel retour de la crise en Argentine rythme sa vie politique, et l’instabilité politique aggrave l’instabilité économique.

Manifestation en Argentine avec une pancarte "Fuera Macri y el FMI"
Avec des banderoles « Fuera Macri y el FMI », les Argentins ont récemment manifesté pour la fin des mesures néolibérales.

D’aucuns attribuent au FMI la persistance de l’aporie économique. Depuis les PAS de 2001, le fonds applique les mêmes recettes, pour les mêmes résultats catastrophiques.

Inciter à emprunter sur les marchés extérieur à s’endetter en dollar avec une monnaie aussi volatile que le peso était extrêmement risqué. De plus, on retrouve encore une omission des conséquences sociales, donc politiques et économiques, des mesures préconisées. Le FMI serait peut-être l’origine du mal argentin, d’où les slogans des manifestants comme “Fuera Macri y el FMI”.

Notes

[1] Créées en 2009 pour désengorger le nombre de candidats aux présidentielles, les PASO permettent aux partis de présenter plusieurs tickets. Les citoyens sont alors censés voter pour le candidat qu’ils aimeraient voir se présenter dans leur parti (le citoyen ne peut voter que pour un ticket dans un parti). Mais cette année, les partis n’ont présenté qu’un seul ticket. D’où la comparaison avec un sondage. On jouait ainsi les élections deux mois à l’avance. 

[2] D’après la Constitution argentine (art. 97 et 98), si un candidat obtient 45% des suffrages au premier tour, ou bien 40% des suffrages et un écart de 10 points avec le deuxième candidat, alors il est immédiatement élu, sans second tour.

[3] Le parti justicialiste (Partido Justicialista),  fondé par Perón en 1947, domine la politique argentine depuis 1983. Sur un total de huit présidents élus depuis 1983, seulement deux n’appartenaient pas au PJ. Et aucun des deux n’a pu terminer son mandat, sur fond, encore et toujours, de crise économique. En 1989, Raúl Alfonsín démissionne, impuissant face à une inflation de 3000%. En 2001, Fernando de la Rúa renonce aussi devant la pression populaire de l’”Argentinazo”, révolte qui succède au “Corralito”, un ensemble de mesures économiques drastiques qui visaient à endiguer la crise. 

Sources :

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2 réflexions sur “Argentine, l’éternel retour ?

  • Ezanno

    Vous dites que les péronistes sont associés à  » la relance à court terme » et que leurs fins de mandat posent problème au gouvernement suivant.

    Alors je me permets de vous dire que le gouvernement Kirchner a laissé un pays bien plus sain que ce que le gouvernement Macri s’apprête à laisser. Et que Carlos Menem, un péroniste, a aussi mené une politique ultra-libérale, bien plus encore que celle de Macri, et que vous omettez largement de le préciser. Il a laissé à son successeur, un radical, un pays au bord du précipice à cause de ses politiques libérales, exactement de la même manière que Macri va laisser aux péronistes une dette impossible à rembourser et un pays exsangue. Les péronistes sont une force mouvante, pouvant gouverner aussi bien à gauche qu’à droite, et qu’ils sont partis intégrante de l’histoire argentine depuis 1945.

    Le libéralisme ne fonctionne pas, et encore moins en Argentine. Les argentins le savaient déjà en élisant Macri en 2015, ils en ont une autre confirmation aujourd’hui.

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    • Matteo Gruszewski

      Bonjour,
      Oui vous avez entièrement raison. D’où le « grosso modo » qui insiste sur la dimension schématique du mécanisme. Il y a des nuances et des exceptions, évidemment.
      Menem s’est fait élire comme péroniste mais était en rupture et à contre-courant de la ligne péroniste « usuelle » : pro-américanisme affiché, politiques ultra-libérales, privatisations, etc.
      Aucun jugement n’est émis ici sur la situation post-Kirchner par rapport à la situation post-Macri.
      Bien à vous

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