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L’Ukraine, déchirée entre l’Europe et la Russie

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La révolution de Maïdan et l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 marque le début d’un conflit opposant l’Ukraine et les séparatistes pro-russes soutenus par Moscou. Ce conflit a causé près de 13 000 victimes. Les accords de « Minsk 2 » ont permis depuis 2015, avec la supervision de l’OSCE, la mise en place d’un cessez-le-feu et la création d’une zone de démarcation entre les belligérants. Les accrochages restent pourtant réguliers. Le retour de la région du Donbass – toujours sous contrôle des séparatistes pro-russes – dans le giron ukrainien n’est pas encore d’actualité. 

L'Ukraine déchirée entre Europe et Russie
Sommet du 9 décembre à Paris au format « Normandie »

Un basculement politique

La situation s’est nettement améliorée sur le front depuis 2016. L’OSCE note dans ses différents rapports une constante diminution des violations de cessez-le-feu entre 2016 et début 2019. L’organisation souligne en particulier une baisse notable des violences depuis juin. L’on peut attribuer cet apaisement à un revirement dans la politique de l’Ukraine.

L’élection de Volodymyr Zelensky à la tête du pays en mai 2019 a changé la donne sur le terrain. Le président ukrainien a ainsi fait de la fin du conflit sa priorité. Pour ce faire, il a multiplié les initiatives : retrait progressif des troupes ukrainiennes du Donbass, ouverture de négociations pour l’organisation d’un référendum et promesse d’une autonomie renforcée. Une des conséquences directes de la reprise du dialogue a été l’important échange de prisonniers entre la Russie et l’Ukraine en septembre 2019. Il sera suivi deux mois plus tard du retour des marins ukrainiens capturés en 2018 en mer d’Azov. Malgré ces succès, les initiatives présidentielles ont suscité de vives critiques dans le pays. Elles ont parfois pu être perçues comme trop conciliantes vis-à-vis de la Russie.

S’éloigner à tout prix de la Russie

La seule volonté de l’Ukraine ne pourra pas à elle seule résoudre le conflit. Le pays se retrouve en effet au milieu d’une rivalité entre plusieurs grandes puissances, dont elle peut difficilement s’extraire. Sa langue, son histoire et son économie la lie encore au « grand frère russe », malgré ses efforts pour s’en libérer. La Russie reste ainsi un partenaire économique significatif pour l’Ukraine, même si les échanges ont fortement diminué depuis 2015. Le pays perçoit également environ 2,7Md€ chaque année de revenus liés au transit du gaz. La mise en service prochaine du gazoduc Nord Stream 2 pourrait cependant mettre à mal ces revenus. Celui-ci reliera la Russie à l’Allemagne début 2020.

Le pays a résolument choisi de se tourner vers l’Union Européenne et l’OTAN depuis 2014. L’UE est devenue en quelques années le premier partenaire commercial de l’Ukraine. Elle absorbe aujourd’hui 43% de ses exportations, six fois plus que la Russie. Le pays s’est engagé à se rapprocher au maximum des standards de l’UE et de l’OTAN pour faciliter une éventuelle intégration aux deux blocs. Cette volonté s’est concrétisée mi-2017 par la signature d’un accord de libre-échange avec l’Union Européenne.

La lente marche vers l’Europe

Les Européens ne font cependant pas preuve du même enthousiasme. Le traité de libre-échange entre l’UE et l’Ukraine a été rejeté par les Pays-Bas par référendum en 2016. Les parlementaires néerlandais le signeront finalement en 2017. Ceux-ci ont cependant souligné que l’accord signé ne constituait ni une première étape d’adhésion à l’UE, ni une obligation de porter secours à l’Ukraine en cas d’agression.

La politique de « réconciliation » d’Emmanuel Macron entamée avec la Russie pourrait aussi être un frein au rapprochement de l’Ukraine avec l’UE. Le récent veto français (soutenu par le Danemark et les Pays Bas) au processus de pré-adhésion de l’Albanie et de la Macédoine illustre aussi la frilosité des Européens à élargir davantage l’UE vers l’Est.

L’Ukraine, « terrain de jeu des grandes puissances » ?

L’Ukraine fait donc face à une situation politique inconfortable. Elle se retrouve coincée entre les hésitations européennes, les tentatives de déstabilisations russes et la récente ingérence américaine. Donald Trump avait en effet temporairement retiré une aide militaire essentielle à l’Ukraine pour la contraindre à lancer une enquête visant à déstabiliser l’un de ses rivaux démocrates.

L’influence des puissances étrangères se matérialise aussi à travers le sommet du 9 décembre organisé à Paris avec l’Allemagne, la France, la Russie et l’Ukraine. Contre l’avis d’une grande partie de la société ukrainienne, c’est la formule « Steinmeier », du nom du ministre des affaires étrangères allemand qui l’a conçue en 2015, qui fera office de feuille de route. Celle-ci prévoit la tenue d’un référendum et la création d’un statut spécial dans le Donbass, qui sera démilitarisé tout en restant sous contrôle russe.

Le sort du pays est désormais étroitement lié aux futures orientations de la politique européenne, notamment en matière de sécurité. L’OTAN et l’Europe de la défense auront un rôle majeur à jouer face à la Russie, qui, malgré les sanctions, n’a jamais clairement infléchi sa position depuis le début de la crise.

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Adrien Crozier

Adrien Crozier est étudiant de Master 2 en école de commerce, après deux années de classe préparatoire ECS.

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