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Barkhane: l’opération à plusieurs inconnues (3/3)

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L’opération Barkhane est, à la fois difficile, semée d’embûches mais indispensable pour le moment. Les plus pessimistes décrivent cette situation comme un bourbier. Bien que les faits donnent raison, il y a également des facteurs qui pourraient amener à renforcer la posture des Etats sahéliens mais également celle de la France.

Que veulent vraiment les États africains du Sahel ? Une clarification est nécessaire

Drone Reaper MQ-9 de type MALE
Drone reaper MAQ-9 de type MALE, ce type de matériel, récemment armé, qui opère au Sahel pour la France

La question se pose à l’aune des différentes décisions politiques et de la perception de l’Etat, parfois différente que celle que les occidentaux ont de l’Etat souverain. Les zones grises sahéliennes, qui ont laissé les groupes djihadistes et les trafics se développer, démontrent en effet un manque criant de services publics ou de présences des Etats dans des régions en marge. Ces régions ont-elles une véritable valeur et sont-elles véritablement intégrées dans la notion de limites géographiques ? Ou alors sont-elles perçues comme un fardeau voire comme une manne de ressources naturelles ?

Cette question dérangeante doit se poser, et doit recevoir une réponse honnête. Cela remet en effet en question une intervention Barkhane devenue bien contraignante. Le Président de la République a, de plus, été très clair sur le sujet. Il n’acceptera pas un engagement de forces françaises dans des pays où un sentiment anti-français persiste. Cela remet en cause cette opération qui a coûté la vie à 38 militaires depuis le début de l’opération.

Une force européenne qui tarde à se mettre en place

« Pré carré  français », voilà en somme ce qui semble se murmurer dans les couloirs des différentes ambassades européennes. Les Européens ne voient pour le moment pas d’intérêt à intervenir plus qu’à son niveau actuel en soutien de Barkhane.

Pourtant, les risques pour les pays voisins et pour le Sud de l’Europe sont présents. Une potentielle constitution d’un « Sahelistan » (comme mentionné dans l’article n°2) menace l’Italie, l’Espagne et les anciens colons européens en Afrique. Le sujet est donc beaucoup plus large qu’une intervention sous demande d’Etat locaux.  L’objectif vise à rendre les Etats de la région stables et résilients. Cela à moyen et long terme, non à court terme. Une task force européenne de forces spéciales se constitue ainsi et permettra de densifier une présence de troupes d’élite sur le terrain. Takuba remplace ainsi Sabre. Cela n’est toutefois pas suffisant.

Il est nécessaire de bénéficier d’une présence permanente d’alliés sur zone. Comme pour bénéficier d’apports étrangers dans nos carences en matériel, comme les hélicoptères de transport lourd. Dans un territoire immense, un maillage territorial plus dense permettrait de dissuader des attaques et permettrait également de gêner les trafics. Cette nouvelle force a déjà du plomb dans l’aile, l’Allemagne ne souhaitant pas y participer.

Les OMLT, une solution afghane à Barkhane

Les Operational Mentoring Liaison Team (OMLT) sont des groupes de conseillers militaires qui étaient détachés auprès des forces afghanes.

Ces équipes de l’OTAN formaient et faisaient bénéficier de leur expertise ainsi que de leurs liaisons avec la coalition. Les troupes locales bénéficiaient ainsi de la coordination et de la fluidité « otanienne ». Cela permettait également d’être soutenu au combat par des militaires étrangers aguerris, avec un déploiement plus étalé, et moins concentré des troupes de la coalition.

Cette méthode  pourrait permettre de pallier différents écueils au Mali. Le premier est le fait que les Groupes Armés Terroristes (GAT) ciblent prioritairement les forces locales. La présence de troupes françaises aguerries, aptes à coordonner un appui feu aérien efficace et d’encadrer les forces sahéliennes, peu formées, au combat serait un changement tactique des plus efficaces.

Cela permettrait également de réduire le déploiement groupé des forces françaises. En conséquence de sembler moins présent au sol, ce qui est bénéfique auprès de la population. De plus, l’épreuve du feu sous encadrement de troupes d’élite françaises est également un moyen d’apprentissage efficace. Cela remplit donc l’objectif de formation complémentaire des militaires locaux.

L’armement récent de drones MALE français : un nouvel outil de frappe pour Barkhane

Les drones MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) viennent d’être armés et sont opérationnels. Ce changement de paradigme rend leur utilisation décuplée. Ainsi, en cas de menace avérée, une couverture aérienne, plus limitée que l’aviation de chasse mais tout de même conséquente, permet un maillage supplémentaire et pourra ainsi offrir un support aérien restant en vol en longue durée.

La France y joue sa crédibilité

Enfin, laisser de la place à une entente internationale ne doit pas occulter une présence de plus en plus manifeste de la Russie dans la région. Forte de son prestige tiré de son intervention en Syrie, la fédération russe entend ainsi prendre des « parts de marché » dans le conflit. Car il convient de présenter un fait important en géopolitique : tout espace laissé par une puissance est immédiatement pris par une autre puissance. Moscou entend ainsi poser ses pions sur l’échiquier mondial et Paris ne peut simplement balayer d’un écart de la main cette hypothèse. Car malgré les enjeux mentionnés dans le volet précécent de cette analyse, la France engage également sa crédibilité internationale sur le dossier. Ainsi en va-t-il des relations internationales, Barkhane n’échappe pas à la règle.

Comme disait Georges Clémenceau : « La guerre est une chose trop grave pour être confiée à des militaires ». Toute opération militaire nécessite un pendant civil et humanitaire qui n’est pas assez développé. Un changement de paradigme est donc nécessaire, pour le bien de tous. L’armée française n’a pas à servir de palliatif aux problème du monde.

Sources : 

-« Sahel : ces différentes « options stratégiques » dont dispose Emmanuel Macron », l’Express, 29 Novembre 2019, (https://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/sahel-ces-differentes-options-strategiques-dont-dispose-emmanuel-macron_2109388.html)

-« Accompagner au combat les forces sahéliennes : le projet français monte en puissance », Ouest-France, 2 Octobre 2019, (https://www.ouest-france.fr/monde/mali/accompagner-au-combat-les-forces-saheliennes-le-projet-francais-monte-en-puissance-6546626)

 

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Harold MICHOUD

Harold Michoud est étudiant de Grenoble Ecole de Management et effectue une poursuite d'étude en géopolitique au sein de l'IRIS SUP'.

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