Promesse d’élections : quel avenir pour la Bolivie?
Suite à une série de démissions aux allures de coup d’état, Jeanine Áñez, sénatrice de droite s’est autoproclamée présidente le 12 novembre 2019, après une vacance de deux jours du pouvoir exécutif. Alors que le régime provisoire en place déroule un agenda politique résolument néolibéral et militariste, le pays s’est vu promettre de nouvelles élections le 3 mai 2020. Le scrutin pourra-t-il endiguer la crise politique et sociale en Bolivie ou faut-il craindre de nouvelles violences?
Le 14 décembre, la présidente bolivienne autoproclamée, Jeanine Añez, a annoncé l’émission d’un mandat d’arrêt contre son prédécesseur, Evo Morales. Cette décision, qui suit une interdiction de candidater aux prochaines élections, votée fin novembre, laisse présager une aggravation des violences. Le pays reste divisé sur la base d’un conflit ethnique et politique depuis une première crise électorale en 2016. La Bolivie avait connu alors une augmentation des contestations populaires, exacerbées en octobre dernier par la publication de résultats électoraux controversés annonçant la réélection de M. Morales à son quatrième mandat.
Démission ou coup d’état?
Après plus d’une décennie passée à la tête de l’Etat, Evo Morales, socialiste et premier président indigène a annoncé sa démission en novembre, sous pression de manifestations de l’opposition et de l’intervention de son chef d’état-major, Williams Kaliman, laissant le pays dans un suspens démocratique. Le général Kaliman, jusqu’alors jugé proche du président, s’était retrouvé à la tête d’une armée de plus en plus hostile au MAS (Movimiento al Socialismo), parti de M. Morales, dont plusieurs membres s’étaient mutinés. Le 10 novembre il convoque les médias et accompagné de haut gradés, suggère au président sa démission, laissant alors le pays géré par l’armée et ouvert aux prétentions de l’opposition.
Après deux jours de vacation du pouvoir exécutif, Jeanine Añez s’est autoproclamée présidente le 12 novembre, malgré l’absence de quorum au Parlement. La sénatrice ultra-fondamentaliste est proche de M. Camacho, représentant de la droite évangélique de la région de Santa Cruz qui avait tenté en 2008 d’arracher leur autonomie au pouvoir central de M. Morales. Elle accède à la tête de l’Etat après une succession de démissions : du vice-président, de la présidente et du vice-président du Sénat ainsi que du président de la Chambre des députés qui auraient dû succéder à M. Morales. La première présidente du continent latino-américain est depuis à la tête du gouvernement de transition de facto.
Reconnu par les Etats-Unis, son gouvernement par intérim, a tout juste annoncé la tenue des prochaines élections le 3 mai 2020. Ce, malgré une loi votée fin novembre qui convoquait initialement des élections présidentielles et législatives en janvier 2020. Actuellement en exil à Buenos Aires, l’ex président demeure positif que son parti, le MAS, pouvait remporter ces prochaines élections. Il a par ailleurs appelé à l’envoi d’une mission internationale qui garantirait la tenue d’élections libres et transparentes.
Un coup d’état sur fond de conflit social
Le conflit qui déchire la Bolivie est ancré dans des divisions ethniques. Evo Morales avait œuvré pour inclure dans la politique et l’économie bolivienne, la population indigène, qui représente plus de 40% de la population. En suivant une politique de nationalisation, l’ex-président avait entres autres misé sur le lithium pour tenter d’extraire la Bolivie de sa pauvreté. Il avait également retiré à l’église catholique son statut de religion étatique. Dès sa prise de position, Mme Añez, résolument de droite et catholique, se différencie fortement de son prédécesseur. Elle s’est autoproclamé présidente une bible à la main et en reconnaissant la légitimité du gouvernement de Juan Guaido, président par intérim autoproclamé du Venezuela.
Alors que la crise politique s’enlise, le pays le plus pauvre d’Amérique du Sud doit également faire face à une crise économique. Le blocage des routes qui mènent aux régions agricoles du pays provoque une pénurie d’aliments dans les magasins et les restaurants de La Paz, ainsi qu’un pénurie d’essence. Ce triple conflit – économique, social et politique – fait pression sur le gouvernement provisoire de Mme. Añez. Si M. Morales avait été accusé de s’accrocher au pouvoir, il avait également œuvré pour une société plus inclusive, particulièrement pour les populations indigènes très pauvres. Le vide de pouvoir, généré par une gouvernance à la légitimité controversée et des élections encore lointaines, maintiennent le pays dans la crise.
D’après les premiers sondages, Andronico Rodriguez , considéré comme l’héritier politique de M. Morales est est en tête avec 23 % des intentions de vote, suivi de près par l’ancien président Carlos Mesa. Cependant ces prévisions peuvent être amenées à changer au cours des prochains mois, et un retour éventuel au pouvoir du parti de M. Morales peut laisser craindre un retournement de la part du gouvernement de Mme. Añez.